J.R.R. Tolkien écrivain pour enfants ou pour adultes ?

L’exposition Tolkien, voyage en Terre du Milieu qui vient de prendre ses quartiers à la BNF est l’occasion de se demander si Tolkien est un auteur pour les enfants. En effet, certains de ceux qui découvrent Le Hobbit ou Le Seigneur des Anneaux en regardant les films de Peter Jackson les trouvent violents et pensent qu’ils peuvent heurter le jeune public et en concluent que Tolkien s’adresse aux adultes. D’autres qui entendent parler d’elfes, de nains, de dragons pensent que les récits de Tolkien s’adressent exclusivement aux enfants. Qu’en est-il ?

L’exposition proposée par la Bibliothèque Nationale de France permet de mieux comprendre l’œuvre de cet auteur prolifique et à quel public il s’adressait.

Tolkien, écrivain pour ses enfants ?

Parmi les auteurs du 20ème siècle, Tolkien a ceci d’unique qu’il a d’abord écrit pour les adultes mais que les histoires destinées à ses 4 enfants lui ont apporté par hasard et en premier lieu le succès et la reconnaissance littéraires.

Le Hobbit a en effet été écrit par Tolkien pour ses enfants et n’était pas prédisposé à être publié. La plupart des récits étaient d’ailleurs d’abord destinés à être lus en famille ou entre amis, déclamés à haute voix, parfois à la belle étoile. Le Hobbit a été publié par hasard : une élève de Tolkien, devenue amie de la famille et engagée par les éditeurs George Allen & Unwin a montré le manuscrit à une employée de cette maison d’édition : le manuscrit a plu à Stanley Unwin et à son fils Rayner âgé de 10 ans et fut ainsi publié.

Si Le Hobbit est son récit de jeunesse le plus connu, Tolkien a écrit -et merveilleusement dessiné- pour ses 4 enfants (John, Michaël, Christopher et Priscilla), une multitude de récits tout aussi fascinants, parmi lesquels Roverandom, Monsieur Merveille et bien sûr les Lettres du Père Noël.

Roverandom a été inventé en 1925 par Tolkien pour consoler l’un de ses fils, Michaël alors âgé de 5 ans, de la perte d’un jouet. Ce récit relate les incroyables aventures d’un petit chien transformé en jouet par un sorcier et envoyé sur la lune et sous la mer.

Dans le manuscrit de Monsieur Merveille figurent le Lapirafe, créature étrange qui vit dans le jardin du héros, une voiture et des ours, transposition des jouets des enfants de Tolkien.

Les Lettres du Père Noël reçues chaque année à partir de 1920 par ses enfants en provenance directe, apparemment, du Pôle Nord racontent les histoires drolatiques et pleines de suspense du Père Noël, rejoint au fil des années par des acolytes, dont l’Ours polaire, particulièrement gaffeur, les Elfes, les Gnomes rouges, les oursons Paksu et Valkotukka.

Aucun de ces 3 récits n’a été publié du vivant de Tolkien (écrit au début des années 30, Monsieur Merveille a été publié en 1982, les Lettres du Père Noël dont la toute 1ère date de 1920 n’ont été publiées qu’en 1976 après un travail d’édition par Baillie Tolkien, la seconde femme de Christopher Tolkien), ce qui montre que l’auteur s’adressait d’abord à ses enfants et ne se souciait pas de de se faire éditer.

Tolkien, écrivain pour enfants et pour adultes

Tolkien a donc écrit pour les enfants, et d’abord pour ses enfants. Toutefois Tolkien avait une conception personnelle du « conte de fées » qu’il ne réservait pas aux enfants, le merveilleux étant à même, selon lui de révéler le monde à tous les lecteurs, les aidant ainsi à vivre. Le merveilleux parle du réel, mais en modifiant la perception du lecteur, en lui faisant perdre ses repères, il lui permet de retrouver une « vue claire » sur le monde et d’affronter la peur de la mort, les véritables enjeux de la création littéraire selon Tolkien. On saisit ainsi l’écart avec une littérature d’évasion, mais surtout avec des classiques pour la jeunesse comme Alice au pays des Merveilles de Lewis Caroll (contrairement à Bilbo, Alice ne vit pas une aventure, elle rêve), ou certains contes de fées des frères Grimm ou d’Andersen.

Tolkien comparait les récits pour les enfants à un vêtement que l’on choisit un peu trop grand pour que l’enfant puisse grandir avec. Le niveau de langage, notamment, doit être plus élevé que celui des enfants, pour leur permettre d’apprendre.

On ne peut donc pas classer Tolkien : il n’est pas plus un écrivain pour enfant que pour adulte, mais un écrivain unique dont l’œuvre a grandi avec l’auteur, qui y mêle des souvenirs confus de son enfance dans la campagne verdoyante des environs de Birmingham, de ses amitiés adolescentes, des traumatismes des tranchées et avec ses enfants et ses lecteurs, enfants et adultes.

La richesse de l’exposition

Depuis le 22 octobre 2019 et jusqu’au 16 février 202, un grand nombre de manuscrits, tapuscrits et dessins de Tolkien, mais aussi des « pièces de contextualisation » (manuscrits médiévaux, armes, bijoux, tableaux, l’échiquier de Charlemagne, le cor de Roland et même de la lave du piton de la Fournaise sur l’île de la Réunion pour évoquer le Mont du Destin) est présenté au visiteur, ce qui lui permet de connaitre les sources d’inspiration de Tolkien et de se faire sa propre projection / visualisation en l’absence de référence aux films.

La mise en scène spectaculaire (la porte de la Moria, le Mordor, un palantir, la salle de lecture de la bibliothèque d’Oxford) et les lumineuses tapisseries d’Aubusson invitent le visiteur penché sur le manuscrit du poème de l’anneau ou sur les Lettres du Père Noël à redresser la tête.

Une exposition qui rend rêveur les grands qui sont passionnés de Tolkien depuis de nombreuses années tout en captivant les personnes qui découvrent l’auteur sous toutes ses facettes. Un moment qui peut se partager en famille pour montrer aux enfants que Tolkien a écrit en premier lieu pour les siens.

Laurent Vaneson

Informations pratiques :

Exposition : Tolkien, voyage en Terre du Milieu

  • Du 22 octobre 2019 au 16 février 2020
  • BnF – François-Mitterrand (entrée rue Emile Durkheim, Paris 13e)
  • Galeries 1 & 2
  • Du mardi au dimanche de 10h à 19h, nocturne jeudi jusqu’à 21h
  • Fermeture les lundis et jours fériés
  • Prix : plein tarif : 11 euros ; tarif réduit : 9 euros
  • Gratuité avec les Pass BnF lecture-culture (15 euros par an) ou recherche et pour les moins de 18 ans
Crédits photos et légendes : photo 1 Fendeval, illustration du Hobbit [1937] Oxford, Bodleian Library, MS. Tolkien Drawings 27 © The Tolkien Estate Ltd 1937 – Photo 2 : J. R. R. Tolkien et ses quatre enfants dans leur jardin à Oxford [1936] Oxford, Bodleian Library, MS. Tolkien photogr. 5, fol. 75 © The Tolkien Trust 1977 – Photo 3 : maquette de la jaquette pour Le Hobbit [1937] Oxford, Bodleian Library, MS. Tolkien Drawings 32 © The Tolkien Estate Ltd 1937, 1992 – Photo 4 : Première Lettre du Père Noël [1920] Oxford, Bodleian Library, MS. Tolkien Drawings 38 © The Tolkien Estate Ltd 1976, 1979 – Photo 5 : Tolkien fumant la pipe dans son bureau de Merton Street, 22 September 1972 © Billett Potter Oxford Light – Photo 6 : affiche exposition
Publié le 5 novembre 2019 par Anne Vaneson-Bigorgne

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