Motilium et allaitement
Les médecins et pharmaciens ont reçu récemment le courrier ci-dessous concernant la dompéridone, molécule active du Motilium (qui peut être utilisée dans certains cas pour augmenter la production lactée) :
« En accord avec l’Agence de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) et suite aux recommandations du Groupe de Travail de Pharmacovigilance de l’Agence européenne des médicaments (EMA), le laboratoire Janssen souhaite vous informer de nouvelles données concernant les risques cardiaques des médicaments contenant de la dompéridone.
Des études épidémiologiques ont mis en évidence que l’utilisation de la dompéridone peut être associée à une augmentation du risque d’arythmies ventriculaires graves et de mort subite.
Le risque d’allongement de l’intervalle QTc et d’arythmies ventriculaires sont des risques cardiaques connus et sont inclus dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) des médicaments contenant de la dompéridone.
Le risque d’arythmies ventriculaires graves ou de mort subite peut être plus élevé chez les patients âgés de plus de 60 ans ou chez ceux traités par des doses orales quotidiennes supérieures à 30 mg.
La dompéridone doit être utilisée à la dose efficace la plus faible chez les adultes et les enfants.
Le rapport bénéfice/risque de la dompéridone demeure positif. »
La rédaction des Dossiers de l’Allaitement, revue de La Leche League France destinée aux professionnels de santé, a émis le 8/12/2011 la note suivante :
L’étude de Johannes a pour conclusion : La prise de dompéridone était corrélée à une augmentation modeste du risque d’arythmie sévère et d’arrêt cardiaque soudain pendant le traitement. Cette corrélation était plus faible après ajustement pour les variables confondantes, ce qui permet de penser que d’autres variables confondantes non prises en compte dans cette étude pourraient encore l’abaisser. Il serait nécessaire de faire d’autres analyses prenant en compte l’âge des patients, la durée du traitement par dompéridone, et la posologie.
Dans l’étude de van Noord, les auteurs concluaient à une augmentation du risque d’arrêt cardiaque, les données étant insuffisantes pour conclure sur le risque d’arythmie. Le résumé de cette étude ne présente aucune donnée sur les doses et la voie d’administration. Il reste donc difficile de conclure au vu des résultats de deux ces études.
Dans un communiqué du 7 juin 2004, la FDA (Food and Drug Administration, USA) avait déjà lancé un avertissement pour interdire l’utilisation de la dompéridone chez les mères allaitantes, en se fondant sur le fait que des études anciennes avaient fait état de deux décès chez des patients qui avaient reçu de la dompéridone en administration intraveineuse. À l’époque, deux spécialistes s’étaient vigoureusement insurgés contre ce communiqué :
Thomas W Hale (Dr en pharmacie et en toxicologie, professeur de pédiatrie, auteur du livre Medications and mothers’ milk) :
« La dompéridone est utilisée depuis des années partout dans le monde avec une excellente innocuité… La réalité, c’est que je continue à penser que la dompéridone est le produit le moins dangereux que nous puissions utiliser pour stimuler la production lactée chez certaines femmes. Il reste exact que, chez certaines mères, il constitue le seul espoir pour maintenir leur sécrétion lactée pour leur enfant, et éviter ainsi les effets secondaires nocifs des laits industriels.
Lorsque je leur (la FDA) ai demandé s’ils avaient consulté une personne compétente dans le domaine de la lactation au sujet des conséquences de leur avertissement, ils m’ont dit que non. Lorsque je leur ai demandé ce que les mères allaitantes étaient censées faire, ils m’ont répondu qu’elles devraient contacter leur médecin pour une alternative, ou passer au lait industriel. Je n’ai pas de conseils à vous donner, mais en ce qui me concerne, j’ai tout simplement décidé de les ignorer, eux et leur avertissement. »
Dr Jack Newman (pédiatre, responsable de consultations d’allaitement) :
« Pourquoi ne parlent-ils pas du métoclopramide dans leur (celui de la FDA) avertissement ? Ce dernier est bien plus dangereux. Et ce produit est aussi utilisé pour augmenter la production lactée, alors que ce n’est pas son indication de vente, qui est le traitement des troubles de la motilité gastrique aux USA… Pourquoi se focaliser sur les mères allaitantes ? Pourquoi pas sur les diabétiques qui ont un risque beaucoup plus élevé d’arythmie cardiaque que les femmes en âge de procréer ?
J’ai prescrit de la dompéridone à des bébés (pour un reflux), mais je l’ai surtout prescrit pour augmenter la production lactée chez des mères, et ce à probablement bien plus de 1000 mères, sans autres effets secondaires que des céphalées modérées, des irrégularités menstruelles occasionnelles, ou des douleurs abdominales modérées. Je ne peux pas en dire autant du métoclopramide, pour qui j’ai observé de sérieux effets secondaires neurologiques ainsi que des dépressions… Si on pèse les avantages par rapport aux risques, la dompéridone peut faire beaucoup plus de bien que de mal. Je continuerai à le prescrire aux femmes chez qui j’estime qu’il peut être utile. »
La dompéridone passe très faiblement dans le lait maternel. La quantité de dompéridone excrétée dans le lait est estimée à moins de 7 microgrammes/jour aux posologies les plus élevées recommandées, ce qui représente moins du millième de la posologie utilisée en pédiatrie (0,75 à 1 mg/kg/jour). S’il peut exister un risque lié à la dompéridone pour la mère allaitante, il n’y a aucun risque pour le bébé allaité par une mère prenant de la dompéridone.
Il est cependant nécessaire de se souvenir que la dompéridone (comme tout autre produit galactogène) ne doit pas être prescrite en première intention lorsqu’une mère dit ne pas avoir assez de lait. Nous rappelons donc ci-dessous la conclusion du protocole de l’Academy of Breastfeeding Medicine (www.lllfrance.org/Demarrer-telechargement/Protocoles-de-l-Academy-of-Breastfeeding-Medecine/175-Protocole-ABM-9.pdf.html) :
« source : La Leche League France »