Il se dit, lit et s’écrit beaucoup de choses sur la rentrée scolaire et la mise en application des rythmes scolaires (ou l’entrée en résistance d’ailleurs aussi de certaines communes) en ces jours de rentrée 2014/2015.
Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne répond à nos questions.
Nos BamBins : Après les annonces de réforme de M. Peillon, les aménagements de M. Hamon, qu’en est-il exactement de cette réforme si décriée de part et d’autre ?
Laurent Bigorgne : « En 2008, Xavier Darcos décide de supprimer les cours le samedi matin et de concentrer les apprentissages sur quatre journées : le volume de cours hebdomadaire est alors réduit de 26 à 24 heures. Cela a contribué à densifier encore le volume quotidien d’heures d’enseignement…
Jusqu’à la rentrée 2014, les élèves du primaire n’avaient donc que 144 journées de cours par an, soit environ 50 de moins qu’ailleurs en Europe.
L’Institut Montaigne le disait déjà dans son rapport de 2010, Vaincre l’échec à l’école primaire : les écoliers français ont des journées trop longues réparties sur trop peu de semaines et trop peu de jours dans la semaine.
Le resserrement continu du temps scolaire nuit au travail et au développement des enfants. Les dommages induits par un tel calendrier sont connus depuis longtemps. Les rapports Pour une approche globale du temps de l’enfant : l’expérimentation des aménagements des rythmes scolaires (de J.-P. Delevoye, et de S. Labadie, paru en 1998) ou encore celui de l’Académie nationale de médecine, Aménagement du temps scolaire et santé de l’enfant (paru en janvier 2010) en font déjà état.
La France est, par ailleurs, toujours la championne de l’OCDE en ce qui concerne la durée des congés en cours d’année, avec 4 périodes de deux semaines réparties sur les 10 mois de l’année scolaire. La plupart des autres pays ont des « petites » vacances qui dépassent rarement une semaine (Eurydice, 2010). »
Nos BamBins : Dans cette réforme, qu’est ce qui va vraiment profiter aux écoliers ?
Laurent Bigorgne : « Si un retour sur la décision de 2008 apparaissait nécessaire, la solution choisie semble une fois encore davantage en phase avec des facteurs et des intérêts sociaux –habitudes sociétales touchant à l’organisation des week-ends, des vacances et des loisirs –, économiques et politiques qu’avec le rythme des enfants. »
Nos BamBins : Mais alors, vers quoi faudrait-il tendre pour que les enseignements en primaire et les acquisitions soient profitables aux écoliers ?
Laurent Bigorgne : « La priorité pour une réforme efficace du système éducatif est de s’attaquer à la formation des enseignants. La formation des enseignants – initiale comme continue – doit être repensée en prenant pleinement en compte les avancées de la recherche en matière d’éducation et de pédagogie. Le système éducatif français y est encore trop hermétique, trop peu d’expérimentations y sont menées ; et, quand elles existent et sont concluantes, il est très difficile de les généraliser. »
Nos BamBins : Certaines communes ont opté pour un rythme surprenant : lundi, mardi et jeudi avec des cours toute la journée et mercredi et vendredi cours seulement le matin. Les enfants vont quitter le vendredi midi et en plus auront une “pause” de 2 jours et demi le week-end… Est-ce une bonne chose ?
Laurent Bigorgne : « La reprise le lundi matin risque d’être difficile pour les enfants après une telle “pause” en fin de semaine. Affirmer que le mercredi matin permet de restaurer la continuité éducative est en contradiction totale avec le point de vue de la majorité des chronobiologistes pour qui c’est la longue rupture du week-end qui est la plus délétère pour le rythme veille-sommeil des enfants. Si on avait voulu faire une véritable réforme des rythmes, il aurait fallu absolument raccourcir les vacances d’été, supprimer des jours fériés au printemps, desserrer l’année scolaire pour rendre les journées et les semaines de nos enfants moins denses. »
Nos BamBins : Quelle est la pertinence de cette réforme face aux évaluations internationales telles que Pisa où la France recule régulièrement ?
Laurent Bigorgne : « La réforme des rythmes scolaires n’était pas une priorité et la réforme effectuée n’est pas assez ambitieuse et ne s’attaque pas aux vrais problèmes. En outre, la précipitation dans laquelle la réforme a été menée n’a aucune chance de contribuer à la réduction des inégalités, objectif que revendique pourtant le gouvernement. En termes de rythmes scolaires, même avec cette réforme, la France semble encore assez loin du compte si on la compare aux autres pays de l’OCDE.
Dans l’OCDE, les enfants à l’école vont en moyenne 5 jours par semaine pour environ 23h30 de cours hebdomadaires. À titre de comparaison, les écoliers au Japon ont 210 jours de classe par an, 200 en Italie et au Danemark, 190 en Grande-Bretagne et 188 en Finlande.
Le nombre de semaines de cours dans l’OCDE se situe en moyenne à 38 semaines par an, soit deux de plus qu’en France.
Je terminerais en citant l’exemple de la Finlande, l’un des pays les mieux classé dans les évaluations internationales, de sept à neuf ans, les élèves suivent une moyenne de 19 heures de classe hebdomadaire réparties sur cinq jours, soit environ quatre heures de cours par jour (cf. EAC-EA, « National summary sheets on education system in Europe and on going reforms », Eurydice, 2009.). »