Sondage Ifop pour Metro : 80 % des français sont opposés à la suppression des notes, 77 % pour les parents d’enfants de moins de 18 ans
Le ministre de l’éducation, Vincent Peillon, rouvre le débat sur le système de notation en France.
Selon un sondage exclusif Ifop pour Metro, 80% des Français sont contre la suppression des notes
Faut-il abandonner les notes ? Après les politiques et les enseignants, c’est au tour des Français de donner leur avis. Et c’est non. Selon un sondage exclusif Ifop pour Metro, 80% des sondés sont en effet défavorables à la suppression des notes. Parmi eux, 77 % sont des parents d’élèves. « Quelles que soient leurs opinions politiques ou leur âge, c’est un rejet massif », souligne pour Metro Frédéric Dabi, directeur général adjoint l’Ifop, qui note même que « les 50-64 ans, c’est-à-dire la génération 68, sont les plus opposés à une réforme du système de notation, à 85% ».
Une véritable institution en France
Comment expliquer un tel rejet ? « Les notes sont, pour les parents, une façon de garder le contrôle sur leur enfant », analyse Frédéric Dabi. « Elles permettent de savoir précisément où il se situe et quelles sont ses difficultés. C’est donc un système qui les rassure ». Un repère d’autant plus important que les Français seraient de plus en plus soucieux pour l’avenir de leurs enfants, selon le dernier Baromètre Ifop. « Les notes leur permettent ainsi d’anticiper, d’une certaine façon, les difficultés à venir des enfants », conclut Frédéric Dabi.
Ce sondage révèle ainsi qu’outre sa longévité, la notation de 0 à 20 est une véritable institution en France. Elle est même souvent la base de tout dialogue familial. « T’as eu combien ? » est l’incontournable question posée à tout élève de retour chez lui. Un système qui date de la création de l’école républicaine, par le ministre Jules Ferry, dans les années 1880. Les historiens de l’éducation constatent en outre que, depuis les années 1970, le rôle des notes s’est accentué avec la course au diplôme.
Des élèves « malheureux »
Depuis, impensable de s’en passer et pourtant… Près de 39 % des enseignants estiment qu’il faut « abandonner les notes chiffrées à l’école primaire et au collège », selon une récente enquête du syndicat enseignant Unsa. Une idée à laquelle le ministre de l’Education, Vincent Peillon, ne semble pas hostile. La note est bien souvent un « découragement pour les élèves », a-t-il ainsi jugé.
Alors, faut-il abandonner les notes ? Le débat ne date pas d’hier. En 1969, le gouvernement avait tenté de remplacer les notes par des lettres : A, B, C, D. Un fiasco. Les professeurs ajoutaient en effet à leur sauce des chiffres, des mentions – ou +, conduisant aux mêmes dérives que le précédent système. Aujourd’hui, le ministre de l’Education dit simplement vouloir réfléchir à une « évolution de notre système de notation », sans en dire plus. Les petits Français seraient en effet « parmi les plus malheureux du monde », selon le ministre. En France, c’est ce qu’on appelle un zéro pointé.
*Sondage Ifop pour Metro, « Les Français et la suppression des notes à l’école », réalisé du 28 au 30 août 2012, sur un échantillon de 1007 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI – Computer Assisted Web Interviewing).
Une exception française
On l’ignore souvent, mais la notation sur vingt points est bien une spécialité nationale. Partout ailleurs ou presque, on pratique les notes A, B, C, D, E. C’est notamment le cas aux Etats-Unis. Chez nos voisins allemands, où les écoliers sont testés de manière régulière, les lettres sont remplacées par des chiffres. Les performances vont de 1 à 6 (1 étant très bon, 6 insuffisant). Ces notes sont parfois affinées par un + ou par un -, voire par un chiffre après la virgule.
Notés sur 100 au Japon !
Dans les pays scandinaves, en revanche, l’évaluation du travail des élèves se passe carrément de notes, jusqu’en sept ou huitième année (l’équivalent de notre 4e), comme en Suède ou au Danemark. Ensuite, l’évaluation prend la forme d’un rapport sur les résultats de l’élève, qui porte sur les performances académiques mais aussi sur le développement personnel et social de l’enfant. Ce qui encourage les élèves à être très actifs en cours, à dialoguer et débattre avec les professeurs.
Même chose dans certaines provinces du Canada, où jusqu’à la fin du collège, il n’existe ni notes ni lettres, seulement un commentaire oral ou écrit des performances de l’élève. C’était le système adopté par nos voisins Italiens pendant des années, avant l’introduction, en 1996, d’une nouvelle méthode d’évaluation, avec cinq possibilités de notation : excellent, très bon, bon, passable et insuffisant. Que l’on se rassure, il y a tout de même plus mal lotis que les élèves français. Au Japon, bien connu pour son système très sélectif et élitiste, les écoliers sont notés sur 100 !
INTERVIEW
« Les notes font le malheur des élèves »
Michel Fize, sociologue au CNRS et spécialiste de la jeunesse, auteur du Bac inutile, (L’Oeuvre éditions, avril 2012)
Comment expliquez-vous l’attachement des Français aux notes ?
Quand il d’agit de scolarité, les parents ne sont attachés qu’à une seule chose : à la réussite de leur enfant. L’épanouissement, la préparation du futur adulte qu’il sera, les parents le relèguent bien souvent au deuxième rang, car ils sont happés par l’exigence de réussite. La note leur permet ainsi de savoir, en un coup d’oeil, où se situe son enfant dans chaque matière. Et donc de corriger le tir : il va valoriser la bonne note et stigmatiser la mauvaise. Quand l’enfant a 18/20, c’est bon, quand il a 4/20, ce n’est pas bon. C’est clair, et tout le monde le comprend ainsi.
Et ce n’est pas un bon système ?
Non. Il faut comprendre que si l’école doit évaluer les compétences des enfants, elle n’a pas pour vocation de les meurtrir. Or une mauvaise note est décourageante, frustrante, démotivante. Elle ne pousse pas l’élève. Au contraire. Elle crée un système de compétition, de classement, qui n’a absolument pas sa place à l’école primaire, ni même au collège, où il s’agit d’apprendre les bases. La notation n’a alors aucune utilité. Elle est au contraire un obstacle pour ceux qui sont en bas de l’échelle.
Les notes rendent-elles les élèves malheureux ?
C’est une évidence. D’une façon générale, les élèves ne sont pas heureux à l’école. Là où ils se réjouissent d’y aller, c’est pour une raison qui n’a rien à voir avec salle de classe, mais pour son côté convivial, avec les copains. Le mal être des élèves français est à relier à la lourdeur des programmes, aux exigences des professeurs, à la crainte de ne pas être à la hauteur. Ce sentiment est amplifié par les notes.
Comment améliorer ce système de notation ?
Il faudrait retarder le plus longtemps possible la notation, comme en Suède, où elle démarre au lycée. Il faut ainsi remplacer le principe de notation par celui d’évaluation. Et supprimer la compétition, qui stresse les élèves. Le système de notation par les lettres (A, B, C…), comme par les chiffres, conduit inévitablement à un classement. Il faudrait donc, comme en Suède à nouveau, que les professeurs évaluent le parcours de l’élève dans un rapport qui met en avant ce qu’il sait faire, ses compétences et valorise ses efforts et progrès. Et qui indique bien ce qui lui reste à faire.