Dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au Gouvernement, la Cour des comptes rend public son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
L’an dernier, la Cour avait fait le constat d’un déficit sans précédent aggravant une spirale de la dette sociale, devenue le poison de la sécurité sociale, alors que le déficit des comptes sociaux est en soi une anomalie. Dans le prolongement des travaux de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques de juillet dernier, le rapport sur la sécurité sociale éclaire cette année l’ampleur du redressement nécessaire et les marges de manœuvre qui peuvent être dégagées pour respecter la trajectoire de retour à l’équilibre sur laquelle la France s’est engagée.
L’essentiel du chemin reste à faire pour parvenir à l’indispensable équilibre des comptes sociaux
Après avoir atteint le niveau sans précédent de 28 Md€ en 2010 (1,4% du PIB), le déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) a amorcé un repli en 2011 mais est demeuré très élevé : à 20,9 Md€ (1% du PIB), il représente plus du double de celui des années 2007-2008. Une bonne tenue de la masse salariale, des recettes supplémentaires et une modération de la dépense avec le respect de l’ONDAM, pour la deuxième année consécutive, y ont contribué.
Malgré les nouvelles recettes votées cet été, la trajectoire de réduction des déficits sociaux marque le pas en 2012, avec un déficit du régime général supérieur de près d’1 Md€ aux objectifs fixés par la loi de financement pour 2012 et des déficits des branches maladie et famille qui devraient atteindre plus de 9 Md€.
Une nouvelle reprise de dette s’avère ainsi d’ores et déjà indispensable dès la clôture de l’exercice 2012. Elle nécessitera un surcroît de ressources pour la CADES, qui pourrait passer, comme la Cour l’a précédemment préconisé, par un relèvement correspondant du taux de la CRDS de 0,50% à 0,56%.
Sur la base d’hypothèses économiques prudentes et en l’absence de mesures complémentaires de redressement, près de 60 Md€ de dettes sociales pourraient s’accumuler d’ici la fin de la décennie, en plus des 62 Md€ que la loi a déjà prévu de transférer à la CADES de 2011 à 2018.
Si un effort exigeant de redressement n’est pas rapidement engagé, la dette sociale continuera à croître alors même qu’elle ne peut continuer à être reportée davantage sur les générations futures.
Enfin, la Cour a analysé le financement de la sécurité sociale par l’impôt, qui constitue de facto un 3ème pilier des ressources de la sécurité sociale. Il représente 12% des recettes des régimes de base, à comparer aux 16% que constituent la CSG. La Cour appelle à une réflexion d’ensemble sur la place de ces ressources fiscales pour rendre le financement de la sécurité sociale plus cohérent, transparent et stable.
Des réformes aux effets peu assurés
La volonté des pouvoirs publics de faire aboutir en 2007 la réforme des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP s’est traduite par des contreparties coûteuses. Le bilan global devrait être négatif pour la présente décennie et sans doute légèrement positif sur les vingt années qui viennent. L’aspect symbolique de ces réformes a été privilégié sur leur contribution à l’équilibre des finances publiques.
La création du régime social des indépendants, en 2005, visait à simplifier la gestion de la protection sociale des artisans, commerçants et professions libérales et à dégager des gains d’efficience, par la création de l’interlocuteur social unique en 2008. L’instauration de ce dispositif a immédiatement provoqué des difficultés majeures pour les cotisants (taxations d’office, non remboursement de soins, risques de pertes de droits). Il a aussi entrainé des défauts d’encaissement de cotisations d’au moins 1 à 1,5 Md€ fin 2010 qui ont pesé sur les comptes sociaux.
De multiples leviers d’optimisation du système de soins
Le rôle de l’ordre national des médecins dans le contrôle de la déontologie et notamment du respect du tact et mesure dans la détermination des honoraires a une portée trop limitée.
La prise en charge par l’assurance maladie des cotisations sociales des professionnels libéraux de santé constitue une contribution substantielle aux revenus des professionnels de santé : pour les médecins du secteur 1, elle représentait 18% du revenu des généralistes en 2008 et près de 16% de celui des spécialistes. Son coût représentait 2,2 Md€ pour l’assurance maladie en 2011. Or cette dépense est sans contrepartie réelle alors qu’elle pourrait être mise au service d’une politique de limitation des dépassements d’honoraires et servir de levier pour une meilleure répartition des professionnels de santé, selon qu’ils exercent dans des zones plus ou moins dotées.
Les transports de patients à la charge de l’assurance maladie, réalisés en ambulances, véhicules sanitaire léger (VSL) ou en taxis, constituent une dépense dynamique de 3,5 Md€ par an pour l’assurance maladie. De meilleures prescriptions de transport limiteraient le montant des dépenses injustifiées, qui sont estimées à près de 220 M€. La Cour a en outre constaté un suréquipement considérable en véhicules sanitaires. Enfin, un meilleur contrôle de la liquidation des factures, notamment en matière de kilométrages facturés, pourrait engendrer 120 M€ d’économie. Au total, c’est au moins 450 M€ qui pourraient être économisés par l’assurance maladie sans fragiliser l’accès aux soins.
Les indemnités journalières pour maladie servies par le régime général de la sécurité sociale représentent 6,4 Md€ en 2011. Elles ont progressé de presque 50% depuis 2000. Les inégalités observées en termes de fréquence et de durée des arrêts sur le territoire demeurent largement inexpliquées. Les nombreux dispositifs de contrôle des assurés se caractérisent par une absence de cohérence d’ensemble. Une plus grande responsabilisation des acteurs (assurés sociaux, entreprises, corps médical) s’impose. Des efforts de simplification de la réglementation et de modernisation sont urgents.
Une solidarité à l’égard des retraités et des familles à faire évoluer
La Cour a analysé la réalité contrastée de la situation des retraités. Le minimum vieillesse conserve aujourd’hui, avec 940 000 personnes couvertes, un rôle essentiel pour limiter le taux de pauvreté des retraités les plus modestes. Il a représenté en 2011 une dépense totale de 3 Md€, dynamique et financée par le FSV, ce qui rend impératif de mettre fin au déséquilibre structurel de ce fonds.
Pourtant, la population retraitée s’avère aujourd’hui en moyenne, sous l’angle financier, dans une situation globale légèrement plus favorable que celle des actifs, notamment des plus jeunes. Certains avantages fiscaux et les niches sociales dont bénéficient les retraités, pour un montant d’environ 12 Md€, doivent être progressivement réformés pour s’assurer qu’ils apportent bien un soutien à ceux qui en ont le plus besoin.
En matière de politique familiale, la Cour analyse les prestations familiales conditionnées par les ressources. La Cour recommande de revoir l’économie d’ensemble de ces prestations dont les effets en termes de réduction des inégalités de revenus s’avèrent limités. C’est le cas en particulier des aides pour la garde d’enfant à domicile, dont le complément de libre choix du mode de garde, accordé en réalité sans plafond de ressources et qui peut se cumuler avec des aides fiscales importantes. La Cour propose son plafonnement dans un objectif d’économie et de justice.
Les principales recommandations du rapport
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