Catherine Buzy, membre de l’ANPDE, formateur et infirmière puéricultrice en PMI au Conseil Général de Meurthe et Moselle, est, dans le cadre de ses fonctions, régulièrement en contact avec différentes cultures. Elle raconte, “j’ai suivi une maman africaine qui laissait son enfant de 4 ans faire tout ce qu’il voulait.
Lorsqu’elle était occupée ou absente, elle ne se souciait pas de savoir ce qu’il faisait, où il était. Après en avoir discuté avec elle, j’ai compris. Dans son village, tous les adultes sont responsables des enfants, si une maman ne surveille pas le sien elle sait que quelqu’un d’autre s’en occupera.”
Si Catherine Buzy a appris par la pratique à gérer ce type de situations, la prise en compte des éléments culturels des patients est aujourd’hui un élément incontournable. Si, en France, cette thématique est encore jeune, dans d’autres pays comme les Etats-Unis, elle est bien ancrée dans le système des soins. Il est vrai que l’histoire des Etats-Unis a été fortement marquée par des vagues de migrants qui se sont installés et qui, dans la perspective américaine, ont gardé un certains nombres de tradition communautaire.
Comment l’interculturalité dans les soins est-elle appréhendée en France et notamment dans les soins dédiés aux enfants ? Quelles sont les ressources qui permettent aux professionnels de santé de mieux intégrer cette notion dans leur quotidien ? A l’occasion de leurs journées nationales d’études, les infirmières puéricultrices tenteront de répondre à ces questions autour de Christophe Debout, Professeur, Directeur du département sciences infirmières et paramédicales de l’EHESP et de Jenna Fouillen, infirmière puéricultrice en néonatologie au CHU de Grenoble.
Connaître la culture du patient pour mieux soigner
La notion d’interculturalité dans les soins s’est développée aux USA dans les années 70. Madeleine Leininger, infirmière anthropologue américaine, est une pionnière dans ce domaine. Elle a mis en place un programme de recherche1 sur les soins infirmiers transculturels. Un modèle théorique a été développé ainsi qu’une méthodologie de recherche spécifique visant à mieux cerner les composantes culturelles du soin et d’apprécier leur impact sur la santé. Une école de pensée spécifique, « les soins infirmiers transculturels », s’est développée, une organisation professionnelle dédiée a vue le jour et une formation certifiante est même proposée aux infirmières aux Etats-Unis. “Depuis, de nombreux travaux ont été menés et une revue scientifique a été créée”, explique Christophe Debout, Professeur, Directeur du département sciences infirmières et paramédicales de l’EHESP*.
Il poursuit, “la méthodologie de recherche développée par Madeleine Leininger, l’ethnonursing, est une méthodologie qualitative qui permet d’explorer un phénomène de santé donné afin de déterminer en quoi les facteurs culturels propres au groupe étudié viennent impacter les pratiques de santé au sein de ce groupe culturel”. L’objectif de cette méthodologie est de produire d’avantage de connaissances relatives à l’interaction entre culture et soins infirmiers. Plus largement, de mettre à disposition des infirmières ces savoirs et ces cadres théoriques afin de mieux aborder les situations de soins. La mise en oeuvre de cette méthodologie de recherche demande beaucoup de temps au chercheur. “Il doit s’immerger dans le groupe culturel qu’il veut étudier. Puis, il identifie les personnes qui peuvent informer l’étude et essaie de gagner leur confiance afin qu’il puisse ouvertement expliquer par la suite quel est leur conception de la santé, quelles sont les pratiques de santé qu’ils ont réalisées spontanément et quel sens ils attribuent à ces pratiques.”
Rencontre culturelle entre le professionnel et le patient
L’infirmière puéricultrice peut être confrontée à une culture qui n’est pas la sienne.
L’objectif est donc de lui donner des ressources afin qu’elle puisse identifier et comprendre la culture du patient. Cela permettra d’adapter ses soins afin de tenir compte du sens que le patient donne à sa maladie. Intégrer l’interculturalité dans les soins est essentiel et permet d’améliorer la qualité des soins2. Grâce à sa connaissance des caractères culturels du patient qu’il soigne, le professionnel de santé respecte au mieux les valeurs culturelles du patient dans les soins de santé et peut également l’aider à prendre en considération les habitudes les plus adaptées à ses besoins.
Les infirmières puéricultrices peuvent également faire appel à des médiateurs culturels “lorsqu’il y a un fossé culturel entre l’équipe soignante, le patient et sa famille et jouer le rôle d’intermédiaire”, explique Jenna Fouillen, infirmière puéricultrice en néonatologie au CHU de Grenoble. Elle poursuit, “le médiateur culturel connait à la fois les objectifs et les besoins des équipes soignantes et les particularités culturelles des patients”. Néanmoins, cette demande repose sur chaque soignant et sur la place qu’il attribue à la culture dans la prise en charge de l’enfant et de sa famille.
D’autres outils au quotidien sont plus simples à mettre en place lorsque les professionnels de santé n’ont pas la possibilité d’acquérir les connaissances culturelles nécessaires ou qu’ils ne peuvent pas faire appel à un médiateur : “l’écoute, le respect de l’autre, sont des valeurs essentielles du soin”, conclut-elle.
Christophe Debout interviendra le jeudi 20 juin à 8h30 “Comprendre pour mieux soigner : apport de l’ethnonursing”. A cette occasion il contextualisera ce sujet de façon à montrer l’importance de cette question dans l’environnement français. Il expliquera synthétiquement les travaux menés autour des soins infirmiers transculturels et exposera, les grandes lignes de la méthodologie de recherche qui permettent de construire des savoirs de manière à mieux comprendre cette relation entre culture et soins infirmiers.
Jenna Fouillen interviendra le jeudi 20 juin à 12h00 “Les enfants du pays qui n’existait pas”.
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A propos de l’ANPDE : Elle est l’unique association professionnelle française, représentant les infirmières puéricultrices et les étudiants de la spécialité infirmière puéricultrice de métropole et des DROM-COM (Départements et régions d’outre-mer – Collectivités d’outre-mer). Ses objectifs sont de promouvoir cette spécialité infirmière, d’en défendre le diplôme, d’engager une réflexion en regroupant les professionnels de terrain et en organisant des journées d’études nationales et régionales permettant l’échange des pratiques.
L’association représente près de 3 000 puériculteurs et puéricultrices recensés à ce jour, issus du secteur hospitalier, des établissements d’accueil pour enfants de moins de 6 ans, de services de protection maternelle et infantile, du secteur libéral, des réseaux de soins et de la formation.
L’association est attentive à l’ensemble des réformes entrainant une modification de la prise en charge de l’enfant et de sa famille, autant dans le système de soins traditionnel que dans la santé communautaire, afin de garantir la qualité et la sécurité des soins pour cette population particulière, tout en répondant à l’évolution des besoins et des innovations de la société. www.anpde.asso.fr