Cancers de l’enfant : Découverte de facteurs de susceptibilité génétique dans les tumeurs d’Ewing (1/2 )rnrn

La tumeur d’Ewing est un cancer osseux pédiatrique rare.

Toutefois cette pathologie est plus fréquente dans les populations d’origine européenne. Olivier Delattre et son équipe, David Cox et Gilles Thomas ont cherché à comprendre pourquoi. La réponse peut se trouver dans deux petites régions du génome : deux variants génétiques observés plus fréquemment dans les populations européennes. Les enfants porteurs d’une de ces deux variations génétiques ont un risque multiplié par deux de développer une tumeur d’Ewing.

Cette découverte est publiée online dans Nature Genetics du 12 février 2012.

La tumeur d’Ewing est une tumeur osseuse rare qui survient chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte. Spécialiste de cette tumeur, le Dr Olivier Delattre, directeur de recherche Inserm, et son équipe à l’Institut Curie s’interrogeaient depuis de nombreuses années sur les différences d’incidence de cette tumeur selon l’origine géographique. Ils ont ainsi collaboré avec Gilles Thomas de la plate-forme Synergie Lyon Cancer et David Cox, deux chercheurs situés au Centre Léon Bérard (Lyon) pour répondre à cette question.

La plupart des tumeurs d’Ewing surviennent chez des enfants d’origine européenne et très rarement dans les populations africaines ou asiatiques. Par ailleurs, le nombre de cas dans ces deux populations reste faible même lorsqu’elles émigrent aux Etats-Unis (0,017 pour 105 individus afroaméricains).
« Par conséquent les facteurs environnementaux ne pouvaient pas être incriminés et il fallait chercher les raisons de cette différence dans le génome » explique Olivier Delattre.

Une telle étude génétique, sur une tumeur rare, a été possible grâce au développement de nouveaux outils, et notamment les GWAS (Genome Wide Association Study) qui permettent de dresser une cartographie des variations génétiques individuelles. L’analyse a été effectuée dans 401 prélèvements de tumeur d’Ewing, 684 prélèvements contrôles dans la population française et 3 668 dans la population américaine d’origine européenne. Sur plus de 700 000 variations génétiques observées, deux d’entre elles (rs9430161 et rs224278) sont associées au développement de la tumeur d’Ewing. « Les enfants porteurs de ces variants génétiques ont ainsi deux fois plus de risque de développer une tumeur d’Ewing que les autres » explique David Cox. Cette augmentation du risque relatif est importante pour mieux comprendre la maladie, mais reste sans conséquence pour les porteurs de ces variants car le risque absolu reste très faible, de l’ordre de 3 cas par millions de porteurs. Or ces deux variants génétiques sont beaucoup plus rares dans les populations d’origine africaine et asiatique, expliquant en partie la faible incidence de cette pathologie dans ces populations.

Améliorer la compréhension du développement tumoral

Au-delà de l’identification des deux variants de susceptibilité, cette découverte améliore la compréhension des mécanismes cellulaires conduisant au développement des tumeurs d’Ewing. Les deux régions mises en évidence se trouvent à proximité des gènes TARDBP et EGR2. Le premier possède des similitudes avec le gène dont l’altération est à l’origine des tumeurs d’Ewing ; quant au second, il fait partie d’un groupe de gènes régulés par le gène de fusion EWS-FLI-1, responsable de cette tumeur. « Désormais, nous allons pouvoir chercher à comprendre comment ces deux gènes renforcent l’effet de l’anomalie chromosomique EWS-FLI-1 responsable de la tumeur d’Ewing » ajoute Olivier Delattre.

Pour en savoir plus

Le point de vue d’Olivier Delattre

La génétique des populations pour mieux comprendre la cancérogenèse « Le matériel génétique, contenu dans le noyau de chacune de nos cellules, est une sorte de livre de 3 milliards de caractères écrit avec seulement un alphabet à 4 lettres : A, C, G, T. Même si l’enchaînement de ces caractères est quasi identique d’un individu à l’autre, il existe tout de même en moyenne 0,1 % (soit plusieurs millions) de différence entre deux individus. La diversité de la population humaine réside ainsi dans cette légère variabilité de notre séquence d’ADN. Une variation fréquente dans la population est appelée un variant. Certains variants sont associés à une pathologie : seuls ils ne présentent pas de risque, mais ils créent un terrain favorable à son développement. Il existe plusieurs moyens de rechercher de telles susceptibilités. Dans notre étude sur la tumeur d’Ewing, en raison de la forte variabilité d’une population à l’autre, la génétique des populations était la plus adaptée. Les variants ont la capacité de « moduler » l’activité de certains gènes et à ce titre, participent à la cancérogenèse. Leur connaissance améliore donc la compréhension des mécanismes tumoraux. »

Le commentaire de David Cox

Application de la génomique en cancérologie « Depuis le séquençage complet du génome humain au début des années 2000, notre capacité à explorer notre patrimoine génétique a explosé. Aujourd’hui, nous pourrions interroger plus de 5 millions de variants, des « polymorphismes », qui diffèrent d’une personne à l’autre. Ces variants sont une sorte d’enregistrement de l’histoire de l’ADN qui les entoure. Si une mutation qui augmente le risque d’une maladie survient dans une population, les variants qui l’entourent seront transmis avec la mutation pendant des générations. Comme nous ne savons pas où se trouveront ces mutations, nous utilisons ces variants pour les trouver, en comparant les fréquences des variants du génome chez des patients atteints d’une maladie, en comparaison avec des individus issus de la même population mais sains ».

Publié le 18 février 2012 par Anne Vaneson-Bigorgne

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