« Parler Bambin » un programme de prévention précoce de l’échec scolaire – 1ère partie

Chaque année, à la Journée d’Appel de Préparation de la Défense (JAPD), les 800 000 jeunes français de 17 ans passent une épreuve de lecture. Celle-ci met en évidence qu’environ 15% (et 1/4 de ceux qui ont un diplôme égal ou inférieur au BEP) de ces jeunes ont des difficultés de compréhension liées à un vocabulaire très pauvre, ce qui est un bon indicateur de leur faible maîtrise de la langue orale.

Entre 2 et 6 ans, il existe déjà d’importants écarts dans la maîtrise du langage oral en fonction du niveau de diplôme ou de l’origine sociale des parents. Ces capacités en langage oral prédisent fortement les possibilités d’entrée dans l’écrit et l’accès aux autres apprentissages. Ces écarts sont d’autant plus grands et plus prédictifs pour la scolarité que les enfants cumulent plusieurs désavantages (famille non diplômée, chômage, habitat dans des zones à forte ségrégation sociale, familles monoparentales).

Les travaux de ces vingt dernières années suggèrent que les compétences langagières des enfants sont fortement influencées, dans les premières années de vie, par des déterminants environnementaux.
L’importance portée à la communication par le langage oral, la recherche des interactions conversationnelles, la capacité à centrer l’attention de l’enfant sur le vocabulaire, la fréquence d’exposition aux mots de la langue ainsi que la qualité des interactions sont essentiels pour les acquisitions langagières. L’acquisition du langage dépend des interventions de langage simplifiés et adaptés fournies par les adultes qui les entourent.

LE PROGRAMME « PARLER BAMBIN »
A la demande du CCAS de la ville de Grenoble, l’équipe de chercheurs de Cogni-Sciences a élaboré des stratégies en s’inspirant des programmes de prévention précoce de l’échec scolaire mis en oeuvre aux
USA et Canada dont les effets positifs ont été démontrés. Avant de commencer l’action, les séquences ont été expérimentées en collaboration avec les personnels à la crèche « Les 3 pommes » (ville de Grenoble).

L’objectif du programme Parler bambin est d’améliorer significativement l’acquisition des compétences langagières des enfants de 18 à 30 mois, pour réduire les risques d’échec scolaire des enfants des familles populaires habitant des zones à forte densité de populations défavorisées et/ou précarisées. Ce programme de renforcement langagier qui s’est réalisé sur 6 mois associe des interventions langagières menées par les personnels de la crèche avec des petits groupes d’enfants et par les parents. Les petits groupes de 3-4 enfants ont été constitués sur le principe du niveau de langage des enfants (produit moins de 50 mots, produit de 50 à 100 mots, …). Chaque groupe a bénéficié trois fois par semaine de 20 minutes d’atelier de langage.

Ces interventions ont été réalisées avec des imagiers ou des jeux du type dinette, poupées, animaux… Pour animer les groupes de langage, les personnels de deux crèches de Grenoble (Villeneuve 123 et les Frênes) ont bénéficié d’une formation.

La complexité du nouveau vocabulaire introduit durant le programme a tenu compte des progrès de production des enfants. Les techniques utilisées visent à obtenir l’attention de l’enfant pour le langage, à l’inciter à nommer les éléments d’une image, d’un jeu, à préciser son vocabulaire et de l’encourager à la prise de parole en lui posant des questions ouvertes. L’adulte le sollicite, pose des questions pour maintenir les échanges, il fournit si nécessaire le modèle du mot ou de la phrase, il renforce les réponses des enfants en les reformulant ou en faisant des expansions. Les situations ont été choisies en fonction de l’intérêt que leur accordent les enfants. Le vocabulaire nouveau est répété plusieurs fois dans la séance et durant plusieurs séances. En dehors du temps des groupes de langage, les personnels de ces deux crèches avaient été sensibilisés à solliciter, dans le quotidien, le langage des enfants, en n’anticipant pas leurs demandes: quand un enfant veut un jouet ou boire, attendre une demande en langage ou, s’il ne parle pas, laisser un temps d’attente, puis formuler la demande, ne pas donner à l’enfant tout ce dont il a besoin pour faire une tâche afin de l’amener à réclamer ce qui manque, donner le choix de plusieurs activités ou jeux pour que l’enfant explicite son choix.

Les parents avaient aussi été sensibilisés au cours de réunions. Les imagiers utilisés à la crèche leur étaient remis, a rythme d’un par trimestre. Il leur était conseillé de réaliser deux fois par semaine, pendant toute la durée du programme, une séquence de 15 minutes d’activité de langage interactive avec l’imagier.

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Michel Zorman
Médecin de santé publique. Centre de référence des troubles du langage CHU Grenoble
Laboratoire des Sciences de l’Education Université Pierre Mendès France Grenoble

Publié le 9 octobre 2009 par Anne Vaneson-Bigorgne

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