INFO FLASH – CANCER DE l’ENFANT : Limiter le recours à la chimiothérapie après une ablation de l’oeil chez les enfants atteints de rétinoblastome unilatéral

A quel enfant atteint d’un rétinoblastome unilatéral doit‐on proposer une chimiothérapie post‐opératoire et selon quel protocole ? Pour actualiser la réponse à cette question, une étude menée par la Société Française de
lutte contre les Cancers et les leucémies de l’Enfant et l’adolescent (SFCE), promue par l’Institut Curie vient d’être publiée dans Journal of Clinical Oncology du 4 mars 2013.

Le rétinoblastome est un cancer rare qui touche les cellules de la rétine du nourrisson et du jeune enfant.
D’importants progrès ont été réalisés ces dernières années dans les traitements et 99 %1 des enfants guérissent dans les pays développés. Toutefois, faute d’un diagnostic plus précoce, les traitements restent souvent lourds : 80 % des enfants ont une déficience visuelle au moins unilatérale, plus de 60 % subissent une énucléation souvent suivie d’une chimiothérapie. Cette étude permet d’établir que les indications de
chimiothérapie après énucléation peuvent être en partie restreintes et que, lorsqu’elle est nécessaire, l’intensité de la chimiothérapie peut être diminuée.

Le rétinoblastome est une tumeur cancéreuse de l’oeil qui touche les cellules de la rétine. Ce cancer assez rare (3 % des cancers de l’enfant) affecte le nourrisson et le jeune enfant en général avant l’âge de 5 ans. Dans 60 % des cas, il n’atteint qu’un seul oeil (rétinoblastome unilatérale) et dans 40 % des cas, les deux yeux (rétinoblastome bilatéral).
L’Institut Curie est le centre de référence en France pour la prise en charge du rétinoblastome. Plus de 50 nouveaux patients y sont traités chaque année par une équipe pluridisciplinaire impliquant notamment le
département de Pédiatrie, le service d’Ophtalmologie du Dr Laurence Desjardins et le service de Génétique oncologique du Pr Dominique Stoppa‐Lyonnet.
Les traitements sont de plus en plus efficaces et près de 99 % des enfants sont guéris dans les pays développés.
Lorsque le volume des tumeurs intraoculaires n’est pas trop important, des alternatives existent à l’énucléation.
Une chimiothérapie première peut parfois être réalisée afin de rendre les tumeurs accessibles à des traitements conservateurs : thermochimiothérapie (utilisant la conjonction d’un traitement par chimiothérapie – carboplatine ‐ et d’une hyperthermie tumorale par un laser diode), curiethérapie, cryothérapie, voir radiothérapie externe. De
plus, des études sont en cours sur le développement de techniques permettant une administration locale de chimiothérapie (intra‐artérielle, intra‐vitréenne ou péri‐oculaire).

Toutefois, le diagnostic est encore souvent trop tardif pour proposer un traitement conservateur et ce, bien que les signes d’alerte du rétinoblastome soient bien connus et facilement repérables (voir encadré sur les signes d’alerte).

Rétinoblastome : vers une désescalade thérapeutique
Aujourd’hui, après l’ablation de l’oeil chez un patient atteint d’un rétinoblastome unilatéral, une chimiothérapie post‐opératoire peut être proposée pour réduire le risque de dissémination tumorale. Toutefois il n’existe pas à ce jour de consensus sur le traitement à proposer après l’énucléation chez les patients présentant une tumeur a priori localisée.
« Aujourd’hui dans les pays industrialisés, l’immense majorité des patients atteints de rétinoblastome guérit. Nos efforts de recherche se consacrent donc essentiellement à la diminution des séquelles des traitements » explique le Pr François Doz, pédiatre à l’Institut Curie, professeur à l’Université Paris‐Descartes. « La désescalade thérapeutique consiste à proposer un traitement tout aussi efficace aux jeunes patients en réduisant les traitements (type de traitement, durée, dose) et, ainsi, leurs effets secondaires. »

« L’un des objectifs de notre étude était donc d’identifier les patients auxquels nous pouvions proposer une diminution du nombre de séances ou de doses de chimiothérapie, voire parfois éviter totalement de recourir à ce
mode traitement » précise le Dr Isabelle Aerts, pédiatre à l’Institut Curie.
Un consensus international des anatomopathologistes spécialisés – auquel le Dr Xavier Sastre‐Garau, chef du département de Biopathologie de l’Institut Curie, a participé de manière très active –, a permis de s’accorder sur l’existence de sous‐types de rétinoblastome en fonction des aspects morphologiques des cellules et du degré d’envahissement tumoral sur le prélèvement oculaire. L’étude des médecins de l’Institut Curie se base sur la distinction du risque selon ces paramètres anatomopathologiques.
Parmi les 123 patients ayant participé à cette étude, 70 patients étaient considérés comme à faible risque et n’ont ainsi pas eu de chimiothérapie après la chirurgie. Les 52 patients à risque intermédiaire ont quant à eux reçu 4 de chimiothérapie d’intensité diminuée par rapport au traitement antérieurement délivré et un seul patient a reçu une chimiothérapie intensive.

Aucune récidive locorégionale ou métastatique, n‘a été observée après un suivi médian de plus de 5 ans.
Ces premiers résultats permettent de confirmer de façon prospective que chez les patients à faible risque, la chimiothérapie n’est pas nécessaire, et que pour une partie des autres patients une désescalade thérapeutique
est possible tout en gardant la même efficacité thérapeutique.

Référence
Results of a Multicenter Prospective Study on the Postoperative Treatment of Unilateral Retinoblastoma following Primary Enucleation
I. Aerts1, X. Sastre‐Garau2, A. Savignoni3, L. Lumbroso‐Le Rouic4, E. Thebaud‐Leculee5, D. Frappaz6, C. Coze7, C.
Thomas8, M. Gauthier‐Villars9, C.Lévy‐Gabriel4, HJ. Brisse10, L. Desjardins4, F. Doz1, 11.
1Département d’Oncologie pédiatrique, Institut Curie, 2Department de biologie, Institut Curie, 3service de Biostatistique, Institut Curie, 4service d’Oncologie oculaire, Institut Curie, 5Département d’Oncologie pédiatrique, Centre Oscar Lambret, Lille, 6 Département d’Oncologie pédiatrique, Institut d’Hématooncologie Pédiatrique, Lyon, 7 Département d’Oncologie pédiatrique, Hôpital de la Timone, CHU Marseille, 8Département d’Hématoncologie pédiatrique, CHU Nantes, 9Service d’Oncogénétique, Institut Curie, 10Département d’Imagerie médicale Institut Curie, 11Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité.
Journal of Clinical Oncology, 4 mars 2013

Ces recherches ont été en partie financées par l’association Retinostop (Rétinostop est une association créée en 1994 par des parents d’enfants atteints d’un rétinoblastome) et le Rotary Club de Saint‐Cyr, la Cadière, le Castellet et du Beausset.

Des signes d’alerte connus et facilement repérables : passez le message !
Relativement simple, le diagnostic du rétinoblastome reste parfois encore trop tardif. Les signes sont bien connus (reflet blanc dans la pupille ou présence d’un strabisme) et doivent impliquer un examen ophtalmologique dans les meilleurs délais. La précocité du diagnostic conditionne la mise en oeuvre de traitements conservant au mieux les yeux et la vision. La proportion des enfants devant subir une énucléation et/ou ayant un handicap visuel sévère pourrait diminuer si le diagnostic était plus souvent effectué plus précocement.

Publié le 5 mars 2013 par Anne Vaneson-Bigorgne

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