DES MOTS POUR LEUR DIRE

En fonction de leur âge, pour certains d’entre nous, nous avons déjà dû expliquer à nos enfants avec des mots choisis des événements dramatiques tels que le 11 septembre 2001 (je me souviens de mon fils 9 ans et demi rentrant de l’école le midi pour manger et me trouvant véritablement scotchée devant la télévision, bouleversée et indignée, à quelques jours d’accoucher et me disant « maman, c’est Ben Laden qui a fait ça ! »), le 21 avril 2002, les tueries de Toulouse et de Montauban les 11 et 15 mars 2012, et de façon plus large tous les conflits politiques et/ou religieux qui sévissent dans le monde et qui donnent lieu à des exactions et à des images insoutenables.

Depuis hier soir, il nous faut (oui j’emploie sciemment des verbes empruntés au registre du « devoir » : devoir, falloir…) revenir sur ce que nos enfants ont entendu ou vu, et ce quel que soit leur âge. Nous nous dispenserions bien d’avoir à trouver les mots justes pour expliquer à nos bambins ce qu’il s’est passé, les émotions qui nous submergent, la peur qui nous envahit, pourquoi et comment de tels crimes peuvent être perpétrés… nous le faisons par devoir de parents. Et si nous ne l’avons pas encore fait hier soir, nous aurons probablement à le faire ce soir après la minute de silence de ce midi en signe de deuil national.
Que nous ayons pris les devants ou que nous nous apprêtions à parler avec nos enfants ce soir, à répondre à leurs questions, employons des mots simples et adaptés à leur âge. Au besoin, invitons-les à prendre le crayon pour dessiner leur perception. Aidons-les à verbaliser et/ou extérioriser leur ressenti par la parole ou par le dessin. Avec les plus grands, il est également possible d’aller plus loin, non pas forcément parce que le cœur nous en dit, mais parce que nous sommes nombreux à nous sentir orphelins de cette liberté de pensée si brutalement bafouée. Je ne dois pas être la seule à me souvenir de Cabu chez Dorothée, sans parler de quelques dessins « collectors » de Charlie hebdo.

La question n’est pas de savoir ici si nous étions des fidèles de Charlie, non. Hier, la libre pensée de la presse a payé un lourd tribu à l’obscurantisme, au fanatisme, à l’extrémisme, à l’intégrisme… Ces 12 personnes tombées sous les balles sont mortes pour leurs idées, dans l’exercice de leur fonction ou encore pour s’être trouvées au mauvais endroit au mauvais moment.

Passée l’émotion, nous reparlerons différemment avec nos enfants, nous leur expliquerons les conséquences de cet acte terroriste à chaque fois qu’une sortie sera annulée dans les prochains jours / les prochaines semaines.

Ce matin, à moins de 3 kilomètres du collège de ma fille cadette, une policière est morte à Montrouge. Certains établissements scolaires ont choisi de ne pas laisser les élèves externes rentrer chez eux ce midi pour assurer leur protection. Face aux sirènes qui hurlaient à tout va, le professeur qui faisait cours à sa classe a cherché sur internet la raison de ce bal des sirènes et a donné comme conseil aux enfants externes de rentrer par le chemin le plus direct. C’était un conseil de bon sens. Le chef d’établissement aurait aussi pu faire le choix de ne pas permettre aux élèves de sortir… La peur pourrait facilement nous envahir.

Nos enfants en bas âge feront peut-être des cauchemars de « vilains » qui rentrent dans leur école, etc. Notre rôle de parents est de les amener à s’exprimer, de les protéger autant que faire se peut et de les rassurer.

Ecoute, bienveillance, protection, respect, liberté, justice, tolérance… sont des mots qui me viennent spontanément à l’esprit.
Et pour continuer à rassurer nos bambins, après avoir discuté avec eux, reprenons nos « routines » du soir. Le docteur Alan E Kazdin expliquait au moment de la tuerie de Newton que « lorsque les parents auront répondu aux questions de leurs enfants, ils devront reprendre les rênes de la conversation et la ramener sur le terrain de la normalité. Si vous respectez les habitudes de tous les jours, vos enfants sauront que leur univers n’est pas menacé. »

Alors après le repas, finissons tendrement cette journée avec nos petits : une histoire, des câlins, des bisous, doudou, le marchand de sable…

Publié le 8 janvier 2015 par Anne Vaneson-Bigorgne

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