Colloque Jouets WECF : un nouvel envol pour des jouets plus sains rn

Tout un panel d’acteurs réunis autour de la question de la sécurité des jouets

Le colloque organisé par WECF au Pavillon de l’Eau a réuni des acteurs variés: fabricants et distributeurs de jouets, organismes de certification, mais aussi scientifiques, décideurs politiques, ONG et associations de protection des consommateurs autour d’un vrai sujet de santé publique : l’exposition des enfants à des substances chimiques très préoccupantes à travers les jouets.

Les enfants sont en contact avec les jouets dès leur plus jeune âge, ils les serrent contre leur peau, les portent à la bouche et ne s’en séparent que rarement, même pas pendant la nuit. Les jouets devraient donc faire partie des produits les plus sûrs et les plus contrôlés, afin que soit protégée au mieux la santé des tout-petits, beaucoup plus vulnérables que les adultes. Et pourtant les tests publiés par les organismes de protection du consommateur, en France ou en Europe[1] nous démontrent régulièrement le contraire : phtalates, formaldéhyde, nonylphénol, métaux lourds ou encore hydrocarbures aromatiques polycycliques font partie des substances que l’on retrouve dans les jouets, même quand ils sont fabriqués par de grandes marques. Quant au contrôle par un organisme indépendant, il n’est pas obligatoire sur le marché européen.

Les jouets, produits emblématiques pour la santé de l’enfant

Ce colloque aura permis de prendre conscience des enjeux: les impacts des substances évoquées plus haut sont loin d’être anodins, comme l’a rappelé Anne-Corinne Zimmer, auteure d’un livre sur les polluants chimiques[2] : alors que le formaldéhyde est classé comme cancérigène certain par le CIRC, les phtalates, perturbateurs endocriniens, ont été mis en lien avec de multiples troubles graves: baisse de la fertilité, puberté précoce ou féminisation des populations, troubles du comportement, diabète, cancers hormonaux-dépendants. Inutile de rappeler que le plomb, l’un des métaux lourds retrouvé dans les peintures de certains jouets ou les bijoux pour enfants, est un neurotoxique reconnu, aux effets délétères sur le développement du cerveau, et ce dès les premiers degrés d’imprégnation. Le Dr Yorghos Remvikos, Professeur à l’Université de Versailles St Quentin, et Christophe Rousselle de l’ANSES, ont exposé que la multiplication des substances chimiques dans la fabrication des jouets nous obligeait à revoir notre méthodologie pour évaluer les risques, afin de prendre en compte tous les facteurs : non seulement la toxicité d’une substance, mais aussi les expositions multiples, la vulnérabilité particulière de l’enfant, les inégalités sociales, les enjeux économiques – qui sont de taille sur le marché du jouet.

Une réglementation européenne à améliorer

Corinne Lepage, Vice Présidente de la Commission ENVI au Parlement européen, est intervenue durant la seconde table ronde, au sujet de la réglementation européenne. Elle a affirmé que la Directive Jouets contenait des lacunes, car le texte initial a subi de nombreux amendements qui n’allaient pas dans le bon sens : « Le diable se cache dans les détails » a-t-elle noté en commentant les nombreuses exemptions qui viennent fortement affaiblir l’officielle interdiction des substances CMR, ou encore la tolérance de substances parfumantes, souvent allergisantes, sous réserve qu’elles soient déclarées…mais qui se méfierait d’une poupée agréablement parfumée à la fraise ?
M. Kosinski de la DG SANCO (Commission Européenne) a présenté l’outil RAPEX, permettant aux Etats Membres de notifier les produits non conformes aux normes européennes. Constat alarmant : les jouets en forment la première catégorie, soit 476 articles notifiés en 2009[3].
La réglementation européenne REACH pourrait-elle alors nous aider à mieux protéger les enfants des substances chimiques ? Pas si l’on en croit Christian Schaible, du Bureau Européen de l’Environnement : une enquête menée par cette ONG en collaboration avec WECF et d’autres partenaires, révèle que 75% des distributeurs ne respectent pas le « droit à savoir » du consommateur[4]. Comme il n’existe aucune obligation d’étiquetage des composants pour les jouets, le consommateur n’a aucune chance d’être correctement informé…

« Ici devrait vraiment s’appliquer le principe de précaution », a rappelé Corinne Lepage, « ce n’est pas un principe d’obscurantisme, bien au contraire », considérant que des sociétés privées ne devraient pas faire peser les risques inhérents à leurs technologies sur la société. ….Le véritable obscurantisme consiste selon elle à ne pas conduire les recherches qui permettraient de lever le doute, sous prétexte qu’elles sont trop coûteuses !

Le rôle des associations dans l’information des parents
Le consommateur peut toutefois consulter les tests réalisés par les associations de protection des consommateurs, dont le rôle est justement de lancer l’alerte, comme l’a fait remarquer Thomas Laurenceau, Rédacteur en chef de 60 Millions de consommateurs, qui avait révélé dans son enquête de 2009 la présence de phtalates, métaux lourds et/ou formaldéhyde dans 32 jouets sur 66[5]. La Fédération allemande du consommateur, représentée par Monika Buenning plaide, aux côtés de l’Agence Allemande de l’Environnement (UBA) pour une révision immédiate de la Directive Jouets, notamment au sujet des HAP- hydrocarbures aromatiques polycycliques, composés dérivés du pétrole, qui se retrouvent dans les jouets à travers les assouplissants, les couleurs et les laques, et dont certains sont cancérigènes comme le benzo-(α)pyrène. Le test publié ce mois-ci par le magazine allemand Stiftung Warentest a révélé la présence d’HAP (entre 1 et 10 mg) dans la moitié des jouets testés.

Valoriser les bonnes pratiques et les labels exemplaires
Heureusement les fabricants et les distributeurs responsables existent dans le secteur du jouet, avec quelques véritables démarches de développement durable et une dynamique économique créatrice d’emplois. Le panel d’entreprises présentes sur la table ronde de l’après-midi, allant de la TPE au groupe mondialisé permettait d’en témoigner : Bioviva, Papili, Happy to see you, Nature et Découvertes ou encore Lego ont montré qu’il est possible d’exclure les substances chimiques préoccupantes pour la fabrication d’un jouet, que l’on peut sélectionner des matières plus saines, ou encore mieux, éco-concevoir un jeu, tout en voulant rester compétitif. Un exercice qui demande une véritable politique de recherche avec des cahiers des charges complexes et une volonté constante d’amélioration, mais la santé de nos enfants vaut bien cela !

La labellisation par un organisme tiers reste sûrement la meilleure manière d’encourager les bonnes pratiques et de garantir la sécurité des jouets, ainsi que l’ont exposé Patricia Proia, de l’AFNOR et Wolfgang Doering, de l’organisme Spielgut. « Nous travaillons à un projet de label NF environnement jouets » a expliqué Mme Proia « aujourd’hui les fabricants sont peu demandeurs de cette certification, en raison du cahier des charges contraignant, mais au fil du temps, ils y viendront ».
En attendant qu’un label français pour les jouets existe, pour lequel WECF souhaiterait qu’il garantisse aussi bien un meilleur respect de l’environnement que la protection de la santé des enfants, les jeunes parents pourront trouver conseil et se référer à d’autres labels européens, mentionnés sur le « guide jouets » publié par WECF et téléchargeable sur le site : www.projetnesting.fr

Publié le 28 novembre 2010 par Anne Vaneson-Bigorgne

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