Biologie du développement : L’intégrine, une protéine qui « donne des ailes aux cellules »

Le système nerveux est indispensable au fonctionnement des muscles et de tous les organes du corps.
Dans l’intestin, il contrôle la progression des aliments au cours de la digestion.
A l’Institut Curie, des chercheurs du CNRS viennent de montrer le rôle essentiel d’une protéine présente à la surface des cellules, l’intégrine ß1, dans la formation du système nerveux intestinal chez les embryons.
Sans cette protéine, les cellules du futur système nerveux intestinal ont une capacité migratoire réduite et par conséquent ne colonisent pas entièrement l’intestin. Cette anomalie ressemble à la maladie de Hirschsprung chez l’homme, une malformation congénitale rare.
Quand les cellules tumorales acquièrent la capacité de migrer dans l’organisme, il y a risque de formation de métastases. La découverte des chercheurs CNRS de l’Institut Curie pourrait permettre de mieux comprendre comment les tumeurs deviennent invasives.
Cette découverte, publiée dans la revue Development de mai 2006, devrait permettre d’améliorer les connaissances sur le développement de la maladie de Hirschsprung et sur l’invasion tissulaire dans les cancers.

Tout commence par la formation d’un œuf issu de la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde. Puis l’œuf se divise : d’une cellule, on passe à deux, puis à quatre… L’embryon fait son nid dans la paroi utérine et la grande aventure commence.
Au cours de ce processus, les cellules ne font pas que se multiplier, elles se spécialisent : certaines apprennent à devenir des cellules nerveuses, d’autres des cellules musculaires ou sanguines… Elles se déplacent au sein de l’embryon et elles s’associent en organes. Progressivement, l’embryon devient fœtus.
A un moment donné de son développement, l’embryon se creuse sur toute sa longueur jusqu’à ce qu’un tube se forme. Ce tube dit « neural » est à l’origine de toutes les cellules du système nerveux : le système nerveux central qui correspond au cerveau et à la moelle épinière et le système nerveux périphérique qui regroupe toutes les cellules nerveuses du reste de
l’organisme.
Le système nerveux périphérique provient d’une population particulière de cellules situées dans la région dorsale du tube neural, la crête neurale. Les cellules de cette crête quittent le tube neural, migrent dans l’embryon et envahissent les différents tissus. Par exemple, celles qui donnent le système nerveux intestinal migrent vers l’intestin en formation, puis le
colonisent en progressant vers son extrémité postérieure, le futur rectum.
C’est seulement après avoir envahi l’intestin tout entier qu’elles acquièrent toutes les spécificités propres aux cellules nerveuses de l’intestin. Chez le nouveau-né et l’adulte, ces cellules contrôlent la progression et l’absorption des aliments dans l’intestin au cours de la digestion.

Le développement embryonnaire, « miroir inversé » de la cancérogenèse De nombreux points communs existent entre la formation d’un embryon et le développement d’un cancer, deux processus qui se caractérisent par le passage d’une
cellule unique à un groupe de plusieurs cellules.
Ainsi, à l’image d’une tumeur en pleine croissance, les cellules de l’œuf fécondé connaissent un rythme soutenu de divisions. Elles migrent ensuite pour former les futurs organes, tandis que des cellules cancéreuses échappées de leur tumeur d’origine engendreront des métastases.
Ces similitudes font du développement embryonnaire une « image-miroir » de la transformation tumorale. La rencontre entre chercheurs en cancérologie et spécialistes de la biologie du développement a déjà permis de montrer que ce sont souvent les mêmes gènes qui interviennent dans le développement d’un embryon et dans l’apparition d’une tumeur.
D’ici 2008, un nouveau pôle de recherche international dédié à la biologie et génétique du développement verra le jour à l’Institut Curie. Ce nouveau tournant devrait permettre de faire avancer plus rapidement les connaissances sur la formation des cancers, et consécutivement le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.

La migration des cellules dans la formation du système nerveux
Marie Breau dans le groupe de Sylvie Dufour étudie la formation du système nerveux de l’intestin dans des embryons de souris et tout particulièrement le rôle des intégrines. Ces protéines situées à la surface des cellules, leur permettent de s’ancrer à leur environnement.
Partant du constat que les souris n’exprimant pas le gène de l’intégrine ß1 ne survivent pas, elle a « éteint » ce gène uniquement dans les cellules de la crête neurale des embryons de souris pour en étudier les conséquences.
Sans intégrine ß1 à leur surface, les cellules précurseurs du futur système nerveux ne parviennent pas à coloniser entièrement l’intestin. Elles s’arrêtent au milieu du côlon car leur capacité de migration est fortement réduite. Les souris ainsi « mutées » ne possèdent pas de système nerveux dans la partie la plus postérieure de l’intestin. Cette anomalie ressemble à la maladie de Hirschsprung chez l’homme, un défaut congénital rare qui touche 1 nouveau-né sur 5000 (voir « pour en savoir plus »).

Quand les cellules tumorales s’échappent…
La colonisation de l’intestin d’embryon par les cellules issues de la crête neurale présente de nombreux points communs avec le développement de métastases chez les patients atteints de cancer. En effet, certaines cellules cancéreuses n’arrêtent pas leur progression à la seule invasion du tissu d’origine : elles se propagent dans l’organisme.
Tant que les cellules restent groupées, la tumeur est localisée et par la même maîtrisable. Un traitement local (chirurgie, radiothérapie) conduit alors à la guérison du patient. En revanche, lorsque les cellules acquièrent la capacité de disséminer dans l’organisme, la tumeur est alors considérée comme métastatique et son éradication rendue plus complexe.
Ce modèle de souris développé par les chercheurs de l’Institut Curie devrait permettre de mieux comprendre comment se forment les métastases, un enjeu essentiel pour améliorer la prise en charge des cancers.
De plus, les intégrines, déjà connues pour leur implication dans la transformation des cancers localisés en cancers invasifs, apparaissent comme des cibles possibles pour des traitements contre le cancer.
Il apparaît donc doublement important de décrypter les mécanismes impliquant les intégrines dans les processus d’invasion tissulaire.

Pour en savoir plus : la maladie de Hirschsprung
La maladie de Hirschsprung est une des plus fréquentes malformations du tube digestif avec environ 1 cas pour 5 000
naissances. Elle survient plus souvent chez les garçons que chez les filles et se manifeste essentiellement chez les
nouveau-nés entre 3 et 5 mois.
Cette maladie congénitale est due à l’absence partielle ou totale de ganglions nerveux qui permettent le bon
fonctionnement des muscles de l’intestin. Cette pathologie qui atteint le côlon (gros intestin), la dernière partie du côlon,
précédant le rectum, ou le rectum (segment situé entre le côlon et l’anus) se caractérise par une paralysie intestinale,
diffuse ou localisée. Le brassage des aliments et l’absorption des nutriments, c’est-à-dire des éléments contenus dans les
aliments, sont impossibles, ce qui entraîne une augmentation de volume de l’intestin. Il existe différents degrés de gravité
de la maladie selon le nombre de ganglions manquants.

Source: Institut Curie

Publié le 27 avril 2006 par Anne Vaneson-Bigorgne

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