FAUT-IL LAISSER NOS ENFANTS SE COUPER DES CONNAISSANCES ACQUISES PENDANT L’ANNEE SCOLAIRE LE TEMPS DES GRANDES VACANCES ?

Pour les élèves de primaire, les vacances ont débuté il y a moins de trois semaines, pour les collégiens plus d’un mois et pour les lycéens, les derniers oraux de rattrapage sont encore très frais. Quoiqu’il en soit, au même titre que nous, adultes, avons besoin de mette notre esprit au repos le temps de quelques jours ou de quelques semaines, faut-il absolument glisser « le sacro-saint » cahier de vacances dans la valise de nos enfants comme un sésame pour les vacances ?
Et si pendant les vacances, plutôt que reproduire des exercices de nature relativement similaires à ceux de l’école avec les fameux cahiers de vacances si chers aux parents, nous en profitions pour faire « travailler » nos enfants autrement, un peu à la façon de monsieur Jourdain ?

Bien qu’ayant un avis sur la question, que je vous ai exposé dans un article récent, j’ai interrogé Florent Duchesne, préparateur mental et Gaëlle Caron, professeur des écoles pour connaître leur avis de professionnel.

 

En quoi l’enfant a besoin (ou pas) de couper avec les apprentissages scolaires le temps de tout ou partie des vacances ?

Florent Duchesne : « Que l’enfant ait vécu un changement de rythme scolaire (cinq matinées en primaire désormais, entrée au collège ou au lycée avec de nouveaux codes), qu’il ait connu le passage stressant d’examens (brevet des collèges, bac français ou bac), ou pas, l’année scolaire est riche en sollicitations et dense en exigences. Même si l’on peut penser que la coupure toutes les sept semaines leur permet de se poser et de se reposer, elle n’est jamais complètement réelle : devoirs à rendre, leçons à apprendre, exposé à préparer pour la rentrée, etc. Seules les « grandes vacances » permettent aux élèves de vraiment arrêter une année pour en débuter une autre en septembre. Il en est de même pour les sportifs de haut niveau ou seule la transition entre deux saisons leur permet de couper, de penser à autre chose et de reposer vraiment leur corps pour mieux endurer les efforts de la saison suivante. »

Gaëlle Caron : « Cette année fut la 1ère de la réforme des rythmes scolaires qui a eu un impact sur les élèves, souvent fatigués dès le jeudi, ce qui a nécessité une modulation de l’emploi du temps pour adapter les apprentissages au moment optimum d’attention des enfants. Je suis partisane de faire une vraie coupure avant la rentrée suivante même si l’été est long. Le plus souvent, cela rassure de savoir que leur enfant ne va pas perdre ses acquis en travaillant tous les jours « son » cahier de vacances acheté parfois avant la fin de l’année scolaire. Avant les vacances, il arrive que des parents me demandent mon avis sur le cahier de vacances qu’ils ont choisi, que d’autres me sollicitent pour savoir comment faire travailler leur enfant pendant l’été. »

 

Quels types d’activités sont à envisager pour permettre à l’enfant de continuer à être en « éveil » sans pour autant être face à des exercices classiques ?

Florent Duchesne : « Rassurez-vous, l’enfant, comme l’adulte en vacances, reste en « éveil ». Les dix derniers mois d’efforts, de concentration et de travail ne s’effaceront pas et reviendront à la première occasion.

L’enfant peut effectivement en profiter, comme des millions d’adultes qui mettent à profit leurs vacances pour faire des sudokus ou des mots fléchés, pour faire lui aussi des exercices « remue-méninges » dans un cahier qu’il aura choisi. Les vacances étant aussi l’occasion d’un échange entre parents et enfants, les parents peuvent expliquer en quoi c’est important pour eux de voir son enfant se poser 30 minutes par jour pour faire des entraînements cérébraux et l’enfant peut trouver le cahier qui lui plaira et dans lequel il aura envie d’investir du temps et de l’énergie. »

Gaëlle Caron : « Je considère que la vie de tous les jours est un formidable vivier pour apprendre autrement pendant les vacances et souvent permet de mémoriser des notions sans s’en rendre compte ! Ecrire régulièrement quelques lignes sans enjeux d’orthographe, de grammaire et de conjugaison et que l’enfant reprenne ses textes quelques jours plus tard pour les corriger est une façon intéressante de les faire écrire. Il peut s’agir d’une carte postale aux grands-parents, à des ami(e)s, de ce qu’ils ont partagé dans la journée, etc. Sans oublier les conversations du quotidien qui développent le langage de l’enfant»

 

D’où vient la croyance bien ancrée chez les parents que leurs enfants risquent d’oublier tout ou partie de ce qu’ils ont appris pendant l’année pendant l’été ?

Florent Duchesne : « En PNL (Programmation Neuro Linguistique), « les croyances sont des généralisations de notre représentation du monde. Elles structurent et reflètent notre façon de penser et génèrent des programmes comportementaux correspondant à des critères et des valeurs. » Autrement dit, penser que l’enfant peut tout oublier pendant l’été va faire que le parent sera particulièrement attentif à chaque oubli de l’enfant (renforcement de la croyance) et mettra alors en place un système correctif (ou préventif !) par des révisions scolaires sur ce(s) thème(s). Cependant, tous les parents n’ont pas cette croyance. Beaucoup constatent que le rythme de l’année est ancré (se réveiller à la même heure les premiers matins, avoir une impression de « quelque chose à faire », etc.) jusqu’à arriver au jour où l’esprit peut se poser, accepter de dormir le matin et de fonctionner au ralenti en journée, tout en sachant redémarrer si nécessaire ! Un lâcher-prise salutaire pour grands et petits en somme ! »

Gaëlle Caron : « Les « bons » élèves ont inscrit leurs savoirs dans la mémoire à long terme et pourront les retrouver facilement plus facilement qu’un enfant « moyen » pour qui c’est plus instable et qui risque d’en perdre des petits morceaux. Rappelons que la mémoire  à long terme s’entretient énormément au cours des six premiers mois avant de se fixer définitivement (un peu comme les vaccins avec les piqûres de rappel fréquentes quand on est petit et beaucoup plus espacées quand on grandit). Il m’est arrivé de constater des pertes réelles chez certains de mes élèves de niveau  « moyen » pour des notions acquises en fin d’année scolaire entre le CE1 et le CE2 quand les évaluations nationales avaient lieu au mois de septembre. Les mêmes évaluations à un autre moment de l’année donneraient des résultats différents. Les parents sont très attentifs aux résultats de leurs enfants et veulent bien faire avec cahiers de vacances… »

 

Comment aider ses enfants à entretenir leurs acquis pendant l’été « autrement » ?

Florent Duchesne : « Faire des jeux de société avec parents, grands-parents ou ami(e)s est une bonne chose sur le plan intellectuel comme émotionnel : que de beaux souvenirs mémorisés lorsque ce jeu ressort au milieu de l’hiver après un contrôle moins bien réussi par exemple ! D’ailleurs, il est bon de profiter des vacances pour renouer avec des notions qui serviront toute l’année scolaire suivante : la motivation, le dialogue et la confiance.

  • Trouver quelles sont les sources de motivation de l’enfant dans ses activités de vacances (balades, sports, lectures, amis…) est primordial pour encourager le désir d’apprendre et mobiliser l’enfant autour de projets valorisants qui faciliteront les acquisitions.
  • Favoriser le dialogue autour de sujets de vacances (ou scolaires mais totalement décontextualisés) permet de mieux comprendre ce qu’il aime, ce qu’il aime moins, et d’être à l’écoute de la façon dont il en parle : est-il plus attaché aux actions, aux personnes, aux objets, aux informations, aux lieux ? Evoque-t-il plutôt ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu ou ce qu’il a ressenti ? Autant de clés de communication avec son enfant qui pourront servir toute l’année apparaissent alors.
  • Enfin, l’enfant a besoin d’un retour positif sur ce qu’il est et sur ce qu’il fait. Valoriser ses actions positives plutôt que stigmatiser ses erreurs, lui seront d’un grand secours lorsque d’éventuelles difficultés apparaîtront durant l’année.

Des travaux sur « l’illusion d’incompétence » indiquent que des élèves ayant un QI supérieur à la moyenne mais qui doutent de leurs compétences, risquent davantage de se retrouver en échec que des élèves ayant un QI moins élevé mais avec une meilleure confiance en leurs capacités (cf. Thérèse Bouffard et Carole Vezeau, L’illusion d’incompétence chez l’élève du primaire in Benoît Galand et Etienne Bourgeois « (Se) motiver à apprendre », PUF, 2006). »

Gaëlle Caron : « En tant qu’enseignante, j’ai pu observer dans mes classes tout au long des années à quel point les enfants ont une appétence pour les jeux de société, qui sont, je trouve, un bon outil de réflexion qui sollicitent de nombreuses notions sous forme de jeu. Parmi les jeux les plus appréciés de mes élèves, il y a notamment Ni vu mais connu, différents Memory… Je parlais également précédemment de la richesse du quotidien comme étant une formidable matière première pour entretenir les notions apprises pendant l’année scolaire. Il y a aussi des choses saisies sur le vif le temps d’une émission, d’un jeu, d’une promenade, de la visite d’un monument… De nombreuses occasions en somme d’apprendre ou de mettre en valeur les connaissances des enfants, de façon ludique. »

 

Au final, ne serait-il pas préférable de privilégier le repos des enfants pendant le début des vacances pour les amener à se « reconditionner » en mode « rentrée » une ou deux semaines avant la rentrée des classes ? 

Florent Duchesne : « Comme le font les sportifs de haut niveau, je suis d’avis de laisser une bonne place au repos et au « faire autre chose ». A deux semaines de la reprise, il sera bien temps de se remettre au travail, pendant une durée raisonnable (à déterminer avec l’enfant selon son niveau) : par exemple un peu de vocabulaire, de grammaire et de conjugaison en français et en langues vivantes peuvent être revus, quelques exercices de sciences effectués, le tout au rythme de l’enfant. A une semaine de la reprise, il est également important de rapprocher progressivement l’heure du coucher de celle de l’année en période d’école, cela contribuera à un réveil moins tardif les derniers jours des vacances et facilitera chez l’enfant une forme optimale dès la semaine de reprise. »

Gaëlle Caron : « Je trouve qu’une remise en route un peu avant la rentrée est une bonne chose. A ce titre, les stages RAN (stages de remise à niveau gratuits pour les élèves de CM1 et de CM2) qui ont lieu en avril et fin août sont une bonne initiative à plusieurs titres : parce que cela rassure les parents des élèves qui y participent et que cela a lieu dans l’établissement de l’élève avec des enseignants qui vont travailler avec des consignes identiques à celles qu’ils connaissent tout au long de l’année. Il existe également de nombreux organismes qui proposent des stages de rentrée en petits groupes pour travailler sur des révisions de l’année écoulée, assurés par des enseignants qui sont formés pour cela. Ce type de stage est d’autant plus profitable que les enfants sont motivés ! Se remettre dans le bain quelques jours avant la rentrée en ayant fait une coupure pendant l’été, permet à l’enfant de bien faire la transition entre la fin d’une année et le début d’une autre. »

 

Question subsidiaire à Gaëlle Caron : que pensez-vous des cahiers de vacances ?

« En l’état, pour moi, ce sont des outils qui existent pour rassurer les parents. Je ne les trouve pas personnalisés en fonction des besoins réels de l’enfant. Les consignes ne sont pas toujours très claires, or les enfants ont besoin de retrouver « leurs » consignes de l’année pour ne pas se sentir perdus. Le mieux, si les parents veulent vraiment faire travailler leur enfant pendant les vacances, serait de reprendre les cahiers de l’année pour que leur enfant conserve « ses » repères. Pour conclure, je trouve l’expression « cahier de vacances » antinomique ! Et sur le fond, un cahier d’accompagnement personnalisé me semblerait plus pertinent. »

Il me reste à remercier Gaëlle Caron et Florent Duchesne, habitués à poser les questions dans leurs professions respectives, d’avoir répondu aux miennes !

J’ajouterais qu’il y a aussi de nombreuses applications ludo-éducatives et pédagogiques qui existent sur App Store et sur Google Play pour jouer avec les mots, pour devenir les pros des fractions, pour se perfectionner en langues étrangères… Pour vous aider parmi tout ce qui existe, vous pouvez consulter le site Super Julie qui teste selon des critères très rigoureux et vous dit tout sur les applis les plus intéressantes.

 

A propos de Gaëlle Caron  

Professeur des écoles depuis 13 ans, elle a choisi l’enseignement parce qu’elle « adore transmettre et partager avec les enfants.

Titulaire d’une licence de Lettres modernes, elle a repris ses études cette année en plus de son poste d’enseignante pour suivre un Master en Français langue étrangère qu’elle complétera à la prochaine rentrée universitaire par un Master 2 à la Sorbonne en Didactique du Français langue étrangère.

 

A propos de Florent Duchesne

Préparateur mental auprès de sportifs, d’étudiants et de collaborateurs en entreprise, il les accompagne afin de les aider à atteindre leurs objectifs, développer la concentration, mieux gérer les périodes de doute, renforcer la confiance et l’estime de soi.

Après avoir effectué des études scientifiques (ingénieur en informatique et gestion) et pratiqué du sport en compétition (tennis, handball, triathlon), il a été manager, coach, consultant, puis a accompagné des sportifs (de l’âge de 10 ans jusqu’aux professionnels) et des étudiants (écoles primaires jusqu’aux concours) à développer le potentiel qu’ils avaient en eux. Il aide également les individus blessés, par l’apprentissage de l’imagerie motrice, à favoriser la récupération de la motricité et du renforcement musculaire.

Publié le 23 juillet 2015 par Anne Vaneson-Bigorgne

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