Espoir pour la progeria, une maladie rare du vieillissement accéléré – Expérimenté avec succès chez la souris, un traitement pourrait prochainement être testé chez des enfants

Cinq ans après l’identification du gène responsable, des chercheurs espagnols (équipe de Carlos Lopez-Otin, Faculté de Médecine de l’Université d’Oviedo) et français (équipe de Nicolas Lévy, Inserm UMR_S 910 « Génétique médicale et génomique fonctionnelle »/AP-HM, Marseille) ont validé chez la souris un traitement pour la progeria, une maladie rare provoquant un vieillissement accéléré et prématuré. Ce traitement qui combine deux molécules pharmacologiques existantes permettrait de ralentir l’évolution de cette maladie, face à laquelle la médecine était jusqu’alors impuissante.

Sous réserve de l’autorisation des agences de santé, ce traitement pourrait très prochainement être testé auprès de 15 enfants en Europe. Une avancée majeure pour les familles touchées par cette maladie incurable et, plus largement, pour la compréhension (et peut-être le ralentissement) du vieillissement normal.

Publiés en couverture du prochain numéro de la revue Nature Medicine (et sur leur site
internet dès le 29 juin 19h), ces travaux ont reçu le soutien financier déterminant de l’AFM grâce aux dons du Téléthon, depuis l’identification du gène jusqu’à la mise au point du traitement et le protocole clinique en projet.

Des chercheurs espagnols (Carlos Lopez-Otin et José Freije, Département de biochimie et biologie moléculaire de la Faculté de Médecine, Université d’Oviedo) et français (Nicolas Lévy et Pierre Cau, La Timone à Marseille, Inserm/AP-HM) viennent de tester avec succès chez la souris un traitement pour la progeria, une maladie génétique rare touchant les enfants dès leur naissance et provoquant un vieillissement prématuré et accéléré. Ce traitement repose sur une combinaison de deux molécules pharmacologiques existantes : les statines (indiquées dans le traitement et la prévention de l’athérosclérose et des risques cardiovasculaires) et les aminobisphosphonates (indiquées dans le traitement de l’ostéoporose). Dans les cellules de malades puis chez la souris, les chercheurs franco-
espagnols ont démontré que la combinaison de ces deux molécules diminuait les effets de la maladie (retard de croissance, perte de poids, perte de cheveux, fragilité osseuse) et augmentait significativement l’espérance de vie : 179 jours contre 101 jours en moyenne dans le modèle de souris utilisé.

Comme l’a précédemment démontré l’équipe de Nicolas Lévy, à l’origine de l’identification du gène en 2003, la progeria est due à l’accumulation dans les cellules d’une protéine tronquée, la progérine, dont la toxicité est liée à la présence d’un acide gras qui reste fixé à la progérine (alors qu’il est éliminé dans les cellules normales). Afin d’inhiber ou de bloquer la toxicité de la progérine, les chercheurs se sont intéressés à la voie de synthèse de cet acide gras. Il est en effet connu que des molécules pharmacologiques peuvent bloquer certaines des étapes de cette voie de synthèse. Après plusieurs tentatives, ils ont constaté sur des cellules de malades (in vitro) puis chez des souris que c’est la combinaison d’une statine et d’un aminobisphosphonate qui arrivait à prévenir la fixation de l’acide gras à la progérine et donc réduit sa toxicité. Celle-ci étant moins toxique, la maladie se développe de façon atténuée, ralentie.

Suite à ces résultats encourageants, un protocole clinique pharmacologique reposant sur
ce traitement est sur le point de démarrer (une demande d’autorisation a été déposée
auprès de l’Afssaps), piloté par Nicolas Lévy à Marseille. Il devrait durer 3 ans et concerner 15 des 25 enfants atteints de progeria en Europe. Le but de ce protocole est de ralentir la progression de la maladie, de diminuer le risque cardiaque et vasculaire, de favoriser la croissance et, si possible, de prolonger l’espérance de vie actuellement très limitée des enfants atteints. D’un coût total de 720 000€, celui-ci sera financé à hauteur de 500 000€ par le Ministère de la Santé dans le cadre du PHRC 2008, et 220 000€ par l’AFM grâce aux dons du Téléthon.

Depuis l’identification du gène en 2003 par l’équipe marseillaise, cinq ans ont suffi aux
chercheurs pour comprendre les mécanismes de la maladie, identifier une piste thérapeutique, la tester chez la souris et déposer auprès de l’Afssaps une demande
d’autorisation d’essai chez des malades. Au-delà de cette maladie, ces avancées permettront de mieux comprendre les mécanismes du vieillissement normal. « Cela
montre une nouvelle fois que les maladies rares sont un formidable laboratoire d’innovation pour la médecine en général, » souligne Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM.

La progeria est une maladie très rare (1 naissance sur 4 à 8 millions) touchant les enfants de tout sexe. Seuls 3 cas sont connus en France, environ 25 en Europe et une centaine dans le monde. Ces enfants ont l’apparence et certaines des anomalies physiologiques d’une personne âgée : cheveux rares, raideur articulaire, problèmes cardiovasculaires, peau fine et glabre. Aucun traitement n’existe à ce jour et l’espérance de vie reste très limitée (12-13 ans en moyenne).

Depuis l’identification du gène en 2003 on sait que la progeria est une laminopathie : elle est causée par un défaut du gène LMNA codant les protéines Lamines A/C. Plus de 10 maladies héréditaires touchant différents tissus ont été identifiées comme étant liées de façon directe ou indirecte à la dysfonction des Lamines A/C.

Pour en savoir plus :
Combined treatment with statins and aminobisphosphonates extends longevity in a
mouse model of human premature aging, Nature Medicine, July 2008.
http://dx.doi.org/10.1038/nm.1786

Ignacio Varela1, Sandrine Pereira2, Alejandro P. Ugalde1, Claire L. Navarro2, Maria F. Suarez1, Pierre Cau2, Juan Cadiñanos1, Fernando G. Osorio1, Nicolas Foray3, Juan Cobo4, Felix de Carlos4, Nicolas Lévy2, José M. P. Freije1 & Carlos Lopez-Otin1.

1
Dep. de bioquimica et biologia molecular, Fac. de Medicina, Inst. universitario de Oncologia, Universidad de Oviedo (Espagne)
2
Inserm UMR_S910, Génétique médicale et Génomique fonctionnelle, Université de la Méditerranée, Fac. de Médecine de Marseille (France)
3
Inserm U647, ID17, European Synchrotron Research Facility de Grenoble (France)
4
Dép. de chirurgie et de spécialités médico-chirurgicales, Université d’Oviedo (Espagne)

Association de malades : www.progeriafamilycircle.eu

Source: Association Française contre les Myopathies

Publié le 2 juillet 2008 par Anne Vaneson-Bigorgne

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