L’efficacité des messages abordant les risques sociaux dans larnprévention de l’obésité


Un projet de recherche mené par des chercheurs de Grenoble Ecole de Management et de l’Université Pierre Mendès France auprès de plus de 1500 jeunes en Zone d’Education Prioritaire de la région grenobloise révèle que les adolescents sont plus sensibles à des campagnes de prévention de l’obésité mettant en avant les risques sociaux associés au surpoids comme la moquerie ou le regard des autres. Ils font des choix alimentaires plus sains et ont des intentions de surveiller ce qu’ils mangent plus élevées lorsqu’ils sont exposés à l’argument social. Une analyse des campagnes de prévention de l’obésité en France montre qu’elles utilisent exclusivement l’argument santé en mettant en avant les conséquences positives d’une bonne alimentation, message qui s’est avéré inefficace dans cette recherche. Les risques sociaux mis en avant dans cette recherche sont ceux cités par les adolescents dans une étude qualitative comme leurs plus grandes préoccupations associées au surpoids. Ils ne visent pas à stigmatiser la personne obèse, mais à mettre en avant les risques réels associés au surpoids et à l’obésité pendant l’adolescence dans le contexte d’une recherche scientifique.

Carolina Werle, enseignante à Grenoble Ecole de Management et chercheur au CERAG, Sabine Boesen-Mariani, doctorante à l’Université Pierre Mendes France, et Marie-Laure Gavard-Perret, professeur à l’Université Pierre Mendes France, ont conduit un projet de recherche sur l’efficacité des messages de prévention de l’obésité auprès des adolescents. Ce projet a été financé par la Fondation Wyeth pour la Santé de l’Enfant et de l’Adolescent et a été mené avec l’accord de l’inspection académique de Grenoble. Des recherches antérieures et une étude qualitative menée en amont ont montré que les adolescents sont bien plus sensibles aux conséquences sociales de l’obésité (le regard de leurs paires, les moqueries au collège ou au lycée, entre autres). Les conséquences associées aux risques de santé semblent distantes de leurs préoccupations.

Suite à ces conclusions, l’étude principale du projet, réalisée auprès d’environ 800 adolescents dans 5 établissements scolaires situés en zone d’éducation prioritaire de la région grenobloise, a comparé l’efficacité des campagnes de prévention de l’obésité qui parlent des risques du surpoids pour la santé et celles qui mettent en avant les risques sociaux de l’obésité (comme par exemple la moquerie ou le regard des autres).

Lors de cette étude, les participants étaient exposés à un message de prévention de l’obésité utilisant soit l’argument social soit l’argument santé. L’orientation du message variait également : soit celui-ci mettait en avant les conséquences positives d’une alimentation équilibrée (orientation promotion) soit les conséquences négatives d’avoir une mauvaise alimentation (orientation prévention). Les adolescents étaient exposés au message cible dans une brochure parmi un ensemble d’autres publicités destinées aux jeunes de leur âge. Pour les remercier de leur participation à l’étude, les adolescents avaient le choix entre deux goûters : un goûter plutôt sain (barre de céréales) et un goûter plutôt hédonique (barre chocolatée). Ensuite, les participants répondaient à un questionnaire mesurant, entre autres variables, leur intention de manger de façon équilibrée et de surveiller ce qu’ils mangent.

Ecole de Management de Grenoble Ecole de Management de Grenoble
Argument Santé et mise en avant
des conséquences positives
d’une alimentation équilibrée
(orientation prévention)
Argument Santé et mise en avant
des conséquences positives
d’une alimentation non équilibrée
(orientation prévention)
Ecole de Management de Grenoble Ecole de Management de Grenoble
Argument Social et mise en avant
des conséquences positives
d’une alimentation équilibrée
(orientation promotion)
Argument Social et mise en avant
des conséquences positives
d’une alimentation non équilibrée
(orientation promotion)

Les résultats indiquent que les adolescents choisissent le goûter plutôt sain quand ils ont été exposés aux messages utilisant l’argument social, alors que cela n’est pas le cas quand ils ont été exposés à l’argument santé. L’argument santé s’avère inefficace pour changer les comportements alimentaires à court-terme. L’analyse d’autres variables (clarté et accessibilité du message, par exemple) indique que l’argument santé n’est pas suffisamment fort pour induire à un changement de comportement auprès des jeunes. En ce qui concerne les intentions de manger sainement, les messages utilisant l’argument social et le message utilisant l’argument santé avec une orientation prévention (mise en avant des risques de la mauvaise alimentation) sont efficaces, alors que le message utilisant l’argument santé orienté promotion (mise en avant des bénéfices de la bonne alimentation) s’avère inefficace.

Conclusions : Depuis 2001, les campagnes de prévention de l’obésité en France utilisent systématiquement des messages faisant appel à l’argument santé et à l’orientation promotion. Nos résultats indiquent, en effet, ces messages sont jugés par les participants comme familiers et agréables à regarder. Toutefois, ils ont très peu d’impact sur leurs intentions comportementales et cette familiarité influence négativement leur efficacité. A l’inverse, les messages utilisant l’argument social et l’orientation prévention sont jugés comme moins familiers mais ont un effet positif sur les intentions de manger sainement. Les individus se sentent plus concernés par les messages utilisant une orientation prévention, même si ceux-ci présentent un caractère dérangeant selon les adolescents.

Influence du modèle alimentaire familial : L’étude interrogeait aussi les adolescents par rapport à l’attitude de leurs parents au niveau de l’alimentation. Ces questions ont ainsi permis d’estimer la force du modèle familial de l’adolescent. Un modèle familial fort correspond à des parents qui discutent des problématiques alimentaires avec leurs enfants : parents qui leur disent d’éviter des aliments qui sont mauvais pour la santé, parents qui recherchent une alimentation variée, qui veulent avoir une alimentation équilibrée, qui font la cuisine régulièrement et qui achètent des fruits et légumes même si les enfants ne les aiment pas. De façon générale, plus le modèle familial est fort, plus les enfants consomment des produits sains et accordent de l’importance à leur santé et à leur alimentation. Ces résultants mettent en évidence le rôle primordial des parents qui sensibilisent leurs enfants par rapport aux enjeux de l’alimentation et de la santé.

Référence : Werle, Carolina O. C., Boesen-Mariani Sabine, et Gavard-Perret Marie-Laure (2010), « Prévention du risque d’obésité chez les adolescents : Identification de facteurs d’efficacité des messages », Rapport Final, Fondation Wyeth pour la Santé de L’Enfant et de l’Adolescent, 94 pages.

Source : Ecole de Management de Grenoble

Publié le 26 mars 2010 par Anne Vaneson-Bigorgne

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