Toujours plus d’enfants en France et encore moins d’offre de soins pédiatriques.

Une situation grave que les pouvoirs publics refusent d’entendre

Combien de pédiatres faut-il pour assurer les missions spécifiques de soins aux enfants et aux adolescents en France ? Personne ne le sait, car il n’y a ni vision d’ensemble ni plan global consacré à la santé de l’enfant en France. En revanche le nombre annuel des naissances, la densité des pédiatres, le nombre des médecins en formation de pédiatrie et de médecine générale, et le nombre des départs en retraite des médecins dans les 10 ans sont des données parfaitement connues permettant de prévoir une situation alarmante à court terme.

Avec plus de 800 000 naissances par an, la natalité française reste la plus forte des pays européens. Cependant, une simple comparaison avec les pays européens voisins montre que la France se situe parmi les pays dont la densité en pédiatres est la plus faible : 6 pédiatres (hospitaliers et libéraux) pour 10 000 enfants de moins de 15 ans. Certes, le nombre global de médecins en formation augmente grâce à la progression des effectifs des étudiants. Depuis plusieurs années le nombre de postes proposés aux pédiatres en formation à l’Examen Classant National stagne autour de 200 et on nous rétorque qu’il est inutile de s’inquiéter pour l’avenir car les effectifs des pédiatres n’ont jamais été aussi importants.
Hélas ces chiffres ne sont qu’une illusion car beaucoup de pédiatres en formation n’iront pas exercer dans les cabinets « libéraux ». Les futurs médecins, hommes ou femmes, ne sont plus attirés par l’installation en cabinet privé, en particulier hors des grandes agglomérations où ils souffrent de l’isolement professionnel, de journées trop chargées et de l’éloignement du bassin d’emploi pour leur conjoint. En pédiatrie, le taux de féminisation proche de 90% va accentuer la diminution de l’offre de soins en cabinet privé.

Certes le nombre total de pédiatres a légèrement augmenté depuis 5 ans, au profit de la médecine hospitalière. En effet, dans les hôpitaux, les effectifs ont dû être renforcés par les exigences légitimes du plan Périnatalité, par l’intégration du travail de nuit dans le temps de travail, par l’instauration du repos de sécurité après 24 heures d’activité continue. Le solde à ce jour en est un nombre croissant de postes vacants, estimés à près de 400 actuellement sur tout le territoire. La Médecine scolaire et la Protection Maternelle et Infantile (PMI) ne disposent clairement pas non plus des moyens qu’impliquent leurs missions, et bon nombre de médecins y travaillent sur des statuts précaires. Dans ce secteur, le déficit en pédiatres est criant.

L’évènement le plus grave se profile dans les toutes prochaines années : le « tsunami » des départs en retraite de l’importante cohorte des médecins ayant commencé leurs études entre 1968 et 1978 : près de 60 000 médecins, généralistes et spécialistes réunis, ont plus de 55 ans ! Il faut s’attendre à une désertification médicale de territoires entiers ; en pédiatrie, la disparition de la moitié des pédiatres « libéraux » et la fermeture de plusieurs services de pédiatrie sont des évènements inéluctables, faute de professionnels. Dans cette configuration catastrophique malheureusement réaliste, qui va s’occuper de la santé des enfants et des adolescents ? Qui va prendre en charge les urgences pédiatriques, les nouveau-nés, les maladies aiguës graves, les maladies chroniques et les handicaps de l’enfant ? Qui va assurer le dépistage et le suivi des troubles du développement, du langage et de l’apprentissage ? Qui va s’investir dans la prévention des maladies et dans l’éducation à la santé ? Le Conseil National de la Pédiatrie (CNDP) estime, dès à présent, que ces missions relevant de la compétence des pédiatres ne sont plus correctement assurées dans de nombreux domaines, en particulier dans les zones géographiques à faible densité médicale.

Les médecins généralistes, qui assurent déjà les soins de premier recours à la majorité des enfants, sont et seront débordés car, eux aussi, seront moins nombreux. De plus, ils seront accaparés par la multitude des tâches qui leur sont confiées et par la part croissante des soins en rapport avec le vieillissement de la population. Les pédiatres, en nombre réduit en ville et dans les services de pédiatrie générale, et moins disponibles dans les structures spécialisées plus grandes, s’occuperont en priorité des maladies graves et chroniques, délaissant ainsi les soins moins urgents mais pourtant indispensables. Or il est essentiel que les enfants de France puissent aussi accéder à des soins de premier recours en pédiatrie comme c’est le cas pour la majorité des enfants d’Europe.

Le projet de loi portant réforme de l’hôpital, et relatif aux patients, à la santé, et aux territoires (Loi PHST), présenté le 21 octobre dernier au Conseil des ministres, ne fait aucune mention d’une politique de santé spécifique due à l’enfant et fait l’impasse totale du rôle du pédiatre dans le suivi et la prise en charge des enfants. Le CNDP tient à rappeler les compétences du pédiatre (durée et qualité de formation, expertise liée à l’exercice exclusif, ciblé sur la tranche d’âge 0-18 ans), et à réaffirmer aussi le souhait de beaucoup de parents de continuer à avoir le libre choix de consulter directement un pédiatre pour leur enfant. Qualité des soins et accès aux compétences pédiatriques risquent de disparaître si le nombre de pédiatres ne progresse pas rapidement.

La communauté des pédiatres ne peut accepter sans réagir que cette situation s’aggrave au cours des prochaines années. Parmi les solutions à apporter à la dégradation de l’offre de soins pédiatriques, le CNDP propose en priorité une mesure simple, efficace et peu coûteuse: l’augmentation importante, dès 2009, du nombre d’étudiants entrant dans la filière pédiatrique ; les services hospitalo-universitaires et les services hospitaliers agréés pour la formation des pédiatres sont en mesure, dès à présent, de former 50 internes de pédiatrie supplémentaires par an, les perspectives à terme étant d’arriver à la formation d’un nombre suffisant de pédiatres pour assurer toutes les missions incombant aux pédiatres, tant au niveau hospitalier que libéral . Compte tenu de la forte attractivité de la Pédiatrie, ces nouveaux postes seront choisis en priorité par les étudiants.

Conseil national de la pédiatrie – CNDP
Composantes et correspondants
* Société française de pédiatrie (SFP)
Président : Pr Alain CHANTEPIE Port +33 6 87 14 69 41 chantepie@med.univ-tours.fr
* Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA)
Président : Dr François-Marie CARON Port +33 6 88 75 12 76 dr.fmcaron@orange.fr
* Collège des Professeurs de pédiatrie
Président : Pr Frédéric GOTTRAND Port +33 6 95 86 58 18 fgottrand@chru-lille.fr
* Collège des pédiatres des hôpitaux généraux (COLPEHGE)
Président : Dr François DOUCHAIN Port +33 6 08 42 26 25 fr.douchain@wanadoo.fr
* Syndicat national des pédiatres français (SNPF)
Président : Dr Francis RUBEL Port +33 6 07 83 57 03 Rubel.Pediatre@wanadoo.fr
* Syndicat national des pédiatres des établissements hospitaliers (SNPEH)
Président : Dr Jean-Louis CHABERNAUD Port +33 6 85 12 83 82
jean-louis.chabernaud@abc.aphp.fr
* Association des juniors en pédiatrie (AJP)
Président : Dr Guilhem CROS Port +33 6 67 93 27 69 guilhem.cros@yahoo.fr

Source: Société Française de Pédiatrie

Publié le 12 janvier 2009 par Anne Vaneson-Bigorgne

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