PROPOSITION DE LOI visant à protéger l’intérêt de l’enfant dont les parents sont séparés présentée par Mr Christian MENARD & Mme Henriette MARTINEZ Députés (1)

Mesdames, Messieurs,

Avec un recul de sept ans, il s’avère que l’article 373-2-9 de la loi du 4 Mars 2002, concernant la légalisation de la résidence alternée, expose les enfants à des risques importants au niveau de leur développement affectif.

En effet, depuis le vote de ce texte législatif (pensé à l’origine pour des préadolescents et des adolescents), la résidence alternée a été appliquée à des enfants très jeunes, voire des nourrissons, les séparations parentales avec des enfants de plus en plus jeunes ne cessant de croître. Ces décisions sont prises sans tenir compte des préconisations retenues par l’ensemble des pédopsychiatres et psychologues ayant publié leur expérience sur ce sujet : absence de conflit important entre les parents, proximité géographique, respect du besoin de stabilité affective et de stabilité du lieu de vie pour les enfants en bas âge, lieu de scolarisation unique.

En conséquence, des résidences alternées « égalitaires » (au sens d’un temps égal passé par l’enfant chez chaque parent), ou des mesures équivalentes (temps de garde strictement égal entre père et mère avec changement de lieu d’hébergement tous les deux ou trois jours) ont été mises en place pour des bébés de six mois et des nourrissons changent sept fois de lieu d’hébergement en dix jours ; C. Brisset, Défenseur des enfants, cite dans son rapport 2005, une décision de résidence alternée prise par un juge français ordonnant qu’un enfant de six mois passe six semaines chez son père reparti vivre aux USA et six semaines chez sa mère en France ; des enfants sont scolarisés dans deux écoles différentes sur décision judiciaire ; bien qu’une mère ait subi de graves violences conjugales, une résidence alternée est mise en place, la maintenant sous l’emprise de son ex-compagnon ; certains jugements ordonnent une date d’arrêt de l’allaitement pour pouvoir débuter ce mode d’hébergement ; etc.

Sans être dans des situations aussi extrêmes que celles développées ci-dessus, force est de constater que la loi du 4 Mars 2002 n’offre aucun garde-fou. Beaucoup d’enfants ne s’adaptent pas à la résidence alternée dont l’expérience montre qu’elle n’est malheureusement pas, le plus souvent, remise en question par les juges des Affaires Familiales une fois qu’elle a été mise en place, quels que soient les symptômes présentés par l’enfant. Nous disposons aujourd’hui, d’un ensemble de travaux français et internationaux, pédopsychiatriques et psychiatriques, qui montrent que la résidence alternée ordonnée sans précaution est à l’origine de troubles psychiques : sentiment d’insécurité avec apparition d’angoisses d’abandon qui n’existaient pas auparavant (ces enfants ne supportant plus l’éloignement de leur mère même dans une pièce voisine et demandant à être en permanence en contact avec elle) ; sentiment dépressif avec regard vide pendant de longues heures ; troubles du sommeil, eczéma, agressivité, perte de confiance dans les adultes. Il existe une quasi impossibilité de faire reconnaître ces signes de souffrance psychique par le système judiciaire, les rares médecins qui se risquent à rédiger des certificats médicaux étant systématiquement mis en cause devant le Conseil de l’Ordre par une des parties. Ces troubles persistent jusqu’à l’âge adulte sous la forme de dépression et d’angoisse chronique. Le nombre d’enfants qui présentent cette pathologie (plusieurs nouveaux cas par semaine) constitue un véritable problème de santé publique.

Ceci était prévisible si on se rappelle que la loi du 4 mars 2002 a été élaborée sans qu’ait été demandé l’avis des sociétés savantes (Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent, Association Française de Psychiatrie, branche française de l’Association Mondiale de Santé Mentale du Nourrisson, Société Française de Pédiatrie). Depuis 2002, Y. Gauthier, professeur de pédopsychiatrie à Montréal (2008) parle d’enfants cobayes ; M. Gagnon (2006), pédopsychiatre à Montréal, qui a procédé à un recensement de toutes les publications portant sur ce sujet, montre que la résidence alternée est particulièrement risquée en cas de conflit, et souligne que c’est plus la qualité des moments passés avec le père qui est déterminante que la quantité pour l’établissement d’un bon lien père-enfant ; aux USA le rapport Lye (1999) (rédigé par deux juges de la Cour Suprême de l’état de Washington, d’autres magistrats et professionnels), reprenant les publications réalisées sur ce sujet, conclut que lorsqu’une garde alternée est imposée, les enfants sont fortement et gravement exposés aux conflits des parents. On peut aussi citer les travaux de J.Y. Hayez (2005), professeur de pédopsychiatrie à Bruxelles, M. Berger et A. Ciccone (2004), professeurs de psychopathologie de l’enfant, P. Levy-Soussan (2006), N. Guedeney (2004), H. Rottman, pédopsychiatres, F. Lecat (2007), pédiatre, et le séminaire de réflexion sur la résidence alternée réalisé au Ministère de la santé et de la Famille le 5 février 2007. Tout récemment, E. Izard (2009), pédopsychiatre, vient de publier un article démontrant que la résidence alternée peut avoir des effets nocifs liés à la répétition de la perte de la figure d’attachement principale et de la perte des lieux de vie chez des enfants âgés de trois à onze ans, bien qu’il n’y ait aucune conflictualité entre les parents séparés. Certains de ces enfants déclarent même que leur institutrice est la seule personne stable de leur existence.

Suite de l’article

Source : Christian Ménard – député du Finistère

Publié le 3 mai 2009 par Anne Vaneson-Bigorgne

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