Lettre ouverte de l’AFPA en réponse à l’intervention du Dr Jean-Michel Cohen dans l’émission -Votre Grand Direct- sur Europe 1

Suite à l’intervention du Dr Jean-Michel Cohen dans l’émission -Votre Grand Direct- sur Europe 1, l’AFPA présente envoie une lettre et entend ouvrir une conversation sur le sujet de l’obésité.

Rappel des faits : A l’occasion de la journée Européenne de l’obésité, organisée pour la première fois en France en 2010 par le CNAO, collectif national des associations d’obèses, le Dr Jean Michel Cohen est l’invité de l’émission « votre grand direct » de Monsieur Jean-Marc Morandini sur Europe 1 de 12h à 13h30 le 21 mai 2010.

À la question d’une auditrice « inquiète car sa petite fille a tendance à beaucoup manger de gâteaux et de bonbons », le Dr Cohen répond « c’est génial, j’adore que vous me posiez cette question. Combien de fois j’ai des parents qui arrivent au cabinet avec des enfants strictement normaux pour s’inquiéter du fait qu’ils puissent devenir gros parce qu’ils mangent beaucoup ou parce qu’un pédiatre à la con a été leur raconter qu’il est trop gros alors que le gosse est strictement normal…. ». L’interview se termine par une incitation à gaver son enfant de gâteaux et de bonbons…

Monsieur Cohen,

Vous avez raison, Monsieur, lorsque vous dites que la survenue d’une obésité chez l’enfant dépend surtout de facteurs génétiques.
Vous n’avez pas raison, Monsieur, lorsque vous affirmez que lorsque les parents ne sont pas obèses l’enfant ne le deviendra pas.

Vous avez raison lorsque vous dites qu’un enfant peut manger des bonbons et des gâteaux.
Vous n’avez pas raison lorsque vous dites que ses parents, s’ils ne sont pas obèses, peuvent le laisser en manger autant qu’il veut.
Vous avez grand tort lorsque vous portez — rapidement et par un adjectif très péjoratif — le discrédit sur l’avis que peut donner un pédiatre à une mère sur le comportement de son enfant.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit, bien au-­‐delà de la seule génétique : d’épi-­‐génétique, d’étude des comportements, de leurs déterminants psychiques et donc de parentalité.

L’expression ou non d’une prédisposition génétique pour l’obésité, comme pour bien d’autres maladies, est souvent dépendante de facteurs
environnementaux.

Des facteurs qui auront une influence plus ou moins forte selon que l’enfant y sera soumis avec excès ou dans les limites que des parents avertis et protecteurs ont le devoir de placer autour de lui.
Les pédiatres examinent et observent le comportement de certains enfants et ce qui le sous-­‐tend de recherche excessive de plaisir gustatif, de compensation orale à des difficultés psychoaffectives ou psychosociales.

Ils savent que les choses sont bien loin d’être aussi simples que vous le dites.
Le pédiatre de ville remarque au fil des années, consultation après consultation, des enfants obèses dans des familles où cette maladie n’était jusqu’alors pas exprimée.

Les pédiatres savent que certains comportements alimentaires («
manger autant de “bombecs » et de gâteaux qu’il veut ») peuvent dépendre de raisons qui dépassent très largement le simple plaisir enfantin, avoir des conséquences bien différentes qu’un excès de poids et enfin être l’expression d’interactions intrafamiliales troublées, influant sur tous les champs de la vie de l’enfant.

Vous avez raison lorsque vous dites qu’un enfant en excès de poids ne
sera pas toujours un adulte obèse.
Vous feriez une faute si vous n’entendiez pas la souffrance psychique (d’ailleurs silencieuse) de l’enfant pour le moment en surpoids et oubliiez les complications physiques possibles à court terme.

Vous avez raison de dire qu’un enfant en surpoids ou un enfant de poids normal, avec ou sans antécédent familial d’obésité d’ailleurs, n’a pas à subir de restrictions alimentaires drastiques et trop frustrantes ni de modifications déraisonnables de son mode de vie.
Mais vous avez grand tort si vous pensez que c’est cela que les pédiatres imposent aux enfants et aux parents dans leurs conseils de prévention !

C’est bien mal connaître la pédiatrie, Monsieur. C’est bien mal connaître la prévention et l’éducation à la santé vis-à-vis des enfants.

Vous comprendrez notre émotion de professionnels à entendre ces propos qui peuvent provoquer une incompréhension des publics non avertis.

Nous ne voyons qu’une seule jutification à vos propos : échauffé par le contexte d’une émission en direct, vous vous êtes par trop éloigné de votre mission d’information et de soin.

Souhaitant avoir l’occasion d’échanger à ce sujet avec vous.

Bien confraternellement
François-marie Caron
Président de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire

Publié le 22 juillet 2010 par Anne Vaneson-Bigorgne

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