Consensus des chercheurs concernant la prévention de l’alcool dès l’entrée à l’école primaire

Réunis lors de la Journée scientifique de l’Ireb 2011 (Institut de Recherches Scientifiques sur les Boissons), dix chercheurs et cliniciens français d’horizons et de spécialités différents ont abouti à un consensus sur l’alcoolisation précoce, ses conséquences et les moyens de la prévenir.

Ils s’accordent sur la relation forte entre alcoolisation précoce et abus ou dépendance à l’âge adulte, c’est-à-dire que l’âge précoce des premières consommations est associé à un risque accru de dépendance ultérieure, sans toutefois que cette association ne s’explique clairement par un lien de causalité. Ils rappellent les effets délétères des alcoolisations massives à l’adolescence et soulignent qu’une prévention précoce est souhaitable, par exemple dès l’âge de l’entrée à l’école primaire.

Organisée sous la direction de trois membres du comité scientifique de l’Ireb[1], cette journée a permis de dégager treize points de consensus. « L’alcoolisation précoce est associée à une vulnérabilité accrue à une dépendance ultérieure, c’est-à-dire constitue aussi un facteur de risque en soi, compte tenu notamment des effets sur le cerveau des alcoolisations massives. En revanche, la causalité entre précocité et dépendance n’est pas une explication suffisante, puisque les sujets les plus à risques sont aussi ceux qui consomment plus tôt, c’est-à-dire que l’alcoolisation précoce est aussi un marqueur d’une forte vulnérabilité », résume Philip Gorwood, co-organisateur de la journée et animateur de la session de consensus. « La précocité de l’alcoolisation est associée à des comportements et un tempérament qui apparaissent tôt dans l’enfance, ceux-ci peuvent donc être l’objet d’une prévention ».

Au plan épidémiologique, les études en population générale montrent une relation claire entre la précocité des premières consommations d’alcool et le risque de dépendance ultérieure, mais aussi de l’ivresse régulière et de la consommation d’autres substances (tabac, cannabis…). Ceci est particulièrement important puisque l’âge moyen déclaré des premières consommations d’alcool baisse en moyenne d’un mois par an depuis les années 2000 (à méthodologie égale) alors que l’âge moyen déclaré des premières ivresses semble stable. Pour mieux interpréter ces résultats, les épidémiologistes regrettent toutefois l’absence de recul, faute de données portant sur les générations précédentes, et le manque d’études prospectives en France (suivi d’une même population dans le temps) qui permettraient de fiabiliser les résultats et de mieux comprendre les évolutions. Ils soulignent aussi que le souvenir de la première consommation évolue selon l’âge auquel la question est posée, y compris pour un même individu comme l’a montré une étude publiée cette année, et peut donc constituer un biais méthodologique.

Les effets directs de l’alcoolisation précoce sur le cerveau, ainsi que les effets à long terme sur la consommation ultérieure, sont décrits en neuroimagerie et par les études conduites sur le modèle animal. La neuroimagerie montre un effet direct de la précocité de la consommation sur le cerveau (et donc des fonctions cognitives). Le modèle animal révèle que le rat juvénile (période correspondant à l’adolescence chez l’homme) résiste mieux que l’adulte aux effets sédatifs de l’alcool et est en même temps plus vulnérable à ses effets neurotoxiques. Dans certains contextes, l’exposition à l’alcool durant l’adolescence chez le rat augmente de 30 % sa motivation à consommer à l’âge adulte.

L’exposition prénatale à l’alcool, première cause acquise de retard mental en France, est également associée à une augmentation importante (environ trois fois plus forte) des troubles ultérieurs liés à l’alcool. Il est difficile toutefois de distinguer le poids de l’exposition prénatale à l’alcool dans le risque d’alcoolo-dépendance ultérieure, du fait notamment de l’existence de nombreux facteurs intermédiaires (éducatifs, sociaux…) et du rôle direct du retard mental qui y est fréquemment associé.

Le tempérament et les facteurs environnementaux jouent un rôle certain dans la précocité de la consommation d’alcool. Des événements de vie négatifs durant l’enfance sont significativement associés à une consommation précoce. D’autre part, plusieurs études ont démontré l’influence du tempérament sur la consommation d’alcool et de drogues chez l’enfant et l’adolescent. Elles montrent que certains traits de tempérament, comme la recherche de sensations ou de nouveauté, non seulement se trouvent associés à la précocité des conduites de consommation mais aussi favorisent le passage de la consommation à l’abus et à la dépendance.

Des facteurs génétiques sont très probablement impliqués à la fois dans la précocité de la consommation et la dépendance à l’alcool, mais il semble que c’est l’interaction entre ces facteurs génétiques et des événements de vie (facteurs environnementaux) qui pourrait constituer un modèle explicatif de la précocité et de la dépendance.

La prévention de l’alcoolisation précoce, dans la mesure où celle-ci est associée à des attitudes et comportements apparaissant dès l’enfance, devrait être engagée dès l’âge de l’école primaire et impliquer les éducateurs et les parents.

Publié le 19 novembre 2011 par Anne Vaneson-Bigorgne

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