Cancers de l’enfant : La génétique améliore le diagnostic et la prise en charge des rhabdomyosarcomes

Jusqu’à présent, le rhabdomyosarcome, le plus fréquent des cancers des tissus mous chez l’enfant, était défini en fonction de son aspect morphologique au microscope : tumeur à risque standard ou tumeur à haut risque.

A l’Institut Curie, l’équipe du Dr Olivier Delattre1, directeur de recherche Inserm, en collaboration avec l’équipe de Janet Shipley de l’institut de recherche sur le cancer de Sutton en Grande-Bretagne, montre que grâce à la génétique, on peut désormais déterminer le risque évolutif des rhabdomyosarcomes avec plus de précision.

Au vu de cette nouvelle étude, publiée dans le Journal of Clinical Oncology du 29 mars 2010, certains rhabdomyosarcomes, jusqu’à présent considérés comme à haut risque, semblent finalement plus proches des tumeurs à risque standard. Ainsi, en complétant le diagnostic par cette analyse génétique, les médecins pourront éviter des traitements lourds et leurs effets secondaires à certains enfants.

Les rhabdomyosarcomes sont les cancers des tissus mous les plus fréquents chez les enfants. Ils représentent environ 5 % des tumeurs pédiatriques solides et touchent plus les garçons que les filles. Ils surviennent le plus souvent au niveau de la tête et du cou, plus rarement dans la région génito-urinaire ou les membres, mais peuvent cependant concerner toutes les parties du corps

A ce jour, les rhabdomyosarcomes sont classés en deux sous types, alvéolaires ou embryonnaires, en fonction de leurs caractéristiques morphologiques. Les formes alvéolaires étant plus agressives que les autres, leur traitement est beaucoup plus lourd et nécessite le recours à des radiothérapies et à des chimiothérapies plus intensives. Cette stratégie thérapeutique a fortement contribué à améliorer le pronostic des rhabdomyosarcomes alvéolaires. Mais ces traitements intensifs peuvent avoir des conséquences à long terme, surtout chez les jeunes enfants (cancers secondaires, infertilité…). Il est donc crucial de les administrer uniquement aux enfants présentant des formes de rhabdomyosarcomes très agressives.

La génétique pour mieux identifier les rhabdomyosarcomes
Ces dernières années, les connaissances moléculaires sur les rhabdomyosarcomes ont largement progressé. Une altération génétique a notamment été retrouvée dans 70 % des rhabdomyosarcomes alvéolaires. Il s’agit d’un gène de fusion issu du réarrangement entre les gènes PAX 3 ou 7 et le gène FOX01. La présence de ce gène de fusion semble pouvoir être corrélée avec des rhabdomyosarcomes de mauvais pronostic. Reste environ 30% des rhabdomyosarcomes étiquetés comme étant de type alvéolaire mais non porteurs de l’altération génétique.

Les enfants ayant un rhabdomyosarcome alvéolaire sans gène de fusion doivent-ils être traités comme les formes à risque standard ou comme les formes à haut risque ?
Pour répondre à cette question, l’équipe du Dr Olivier Delattre à l’Institut Curie, en collaboration avec celle de Janet Shipley de l’Institut de recherche sur le cancer de Sutton en Grande-Bretagne, a analysé l’ensemble des données cliniques et les profils génomiques de 210 patients. « Mis à part les différences morphologiques, les tumeurs alvéolaires sans gène de fusion semblent beaucoup plus proches cliniquement des tumeurs embryonnaires » explique le Dr Olivier Delattre.
« Les enfants atteints de rhabdomyosarcomes, quel que soit le type, mais porteurs du gène de fusion ont un moins bon pronostic que les autres et présentent un risque élevé de développer des métastases. En revanche, la fréquence des métastases et la survie sont identiques chez les jeunes patients atteints de rhabdomyosarcome embryonnaire ou alvéolaire sans gène de fusion. » précise Olivier Delattre.
Ainsi la présence de ce gène de fusion est un paramètre plus significatif que les caractéristiques morphologiques pour distinguer les rhabdomyosarcomes de bon et de mauvais pronostic.
Ce nouveau classement a pour objectif d’éviter des traitements lourds, et leurs conséquences, aux enfants atteints de tumeurs jusqu’à présent définies comme à haut risque et qui, au vu de cette nouvelle étude, semblent plutôt à risque standard. A contrario, il permettra d’intensifier les traitements chez les patients classés à haut risque.
L’amélioration considérable du pronostic global en cancérologie pédiatrique depuis 30 ans permet aujourd’hui de mettre l’accent sur la prise en charge et la prévention des complications et des séquelles thérapeutiques

Grâce aux progrès réalisés dans le diagnostic des tumeurs pédiatriques ces 15 dernières années, la médecine personnalisée est désormais une réalité et permet le plus souvent possible une « désescalade thérapeutique »..au bénéfice des patients .

Pour en savoir plus sur les rhabdomyosarcomes
Les rhabdomyosarcomes sont les tumeurs mésenchymateuses malignes les plus fréquentes (60 à 70 % d’entre elles). Le pic d’incidence se situe entre l’âge de 2 et 5 ans. Ils surviennent le plus souvent dans la région de la tête et du cou, plus rarement dans la région génito-urinaire ou les membres. Environ 75 % des rhabdomyosarcomes sont de type embryonnaire. Les rhabdomyosarcomes alvéolaires, qui représentent 25% des rhabdomyosarcomes sont plus fréquents chez l’adolescent et se localisent plus volontiers au niveau des extrémités.
A ce jour, le pronostic dépend de l’âge de l’enfant, de l’étendue de la tumeur primitive, de sa localisation, de sa taille, de son opérabilité et du type morphologique. La dissémination métastatique peut être rapide et atteindre les ganglions, les poumons, les os ou la moelle osseuse.
Le traitement des rhabdomyosarcomes associe chimiothérapie, chirurgie et, le plus souvent, une radiothérapie. Pour les tumeurs maxillo-faciales, la radiothérapie peut se faire par protonthérapie. Cette forme ultra-précise de radiothérapie limite l’irradiation des tissus sains et donc les séquelles. En juin 2010, après une rénovation complète, le Centre de Protonthérapie de l’Institut Curie (ré)ouvrira ses portes avec pour objectif d’étendre les indications en pédiatrie. Le centre pourra désormais traiter 550 patients par an (soit 200 patients de plus), dont au moins 120 enfants et répondre ainsi aux besoins croissants dans ce domaine. Chaque année, une vingtaine d’enfants atteints de rhabdomyosarcomes, maxillo-faciaux mais aussi urogénitaux, pourront en bénéficier.
Cette étude a reçu une aide financière de la Ligue contre le cancer et de l’Institut National du Cancer et de la Fédération Enfants et Santé.

Références
“Fusion Gene Negative” Alveolar Rhabdomyosarcoma are Clinically and Molecularly Indistinguishable from Embryonal Rhabdomyosarcoma.
D. Williamson1, E. Missiaglia2, A. de Reyniès3, G. Pierron4, B. Thuille4, G. Palenzuela5, K. Thway2, D. Orbach5, M. Laé6, P. Fréneaux6, K. Pritchard-Jones7, O. Oberlin8, J. Shipley2*, O. Delattre1,4*
1 INSERM Unité 830, Institut Curie, Paris, 2 Molecular Cytogenetics, The Institute of Cancer Research, Sutton, Surrey, UK, 3
Programme Cartes d’Identité des Tumeurs (CIT), Ligue Nationale Contre le Cancer, Paris, 4 Unité de Génétique Somatique,
Institut Curie, Paris, 5 Département de Pédiatrie, Institut Curie, Paris, 6 Department of Pathology, Institut Curie, Paris, 7 Paediatric
Oncology, The Institute of Cancer Research, Sutton, Surrey, UK, 8 Department of Pediatric and Adolescent Oncology, Institut
Gustave Roussy, Villejuif *These authors contributed equally to this work.
Journal of Clinical Oncology, publication en ligne, 29 mars 2010

1 Directeur de l’unité « Génétique et Biologie des cancers » Institut Curie/U830

Source : Institut Curie

Publié le 5 avril 2010 par Anne Vaneson-Bigorgne

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