APPEL A LA VIGILANCE SUR LES SOCIETES PRIVEES INCITANT A LA CONSERVATION DE SANG DE CORDON A VISEE AUTOLOGUE

Pourquoi un projet de loi concernant les banques de sang placentaire ?

La conservation de sang placentaire permet une meilleure accessibilité au traitement des hémopathies malignes par greffe de cellules souches hématopoïétiques. Jusqu’ici, cette conservation se fait dans le cadre d’un don bénévole, volontaire et anonyme. La conservation étant assurée par des établissements publics permettant un accès au traitement sans considération sociale ou financière.

La loi proposerait-elle l’implantation dans notre pays de banques privées ? Ceci mérite débat et information ? Ces banques dépendantes de compagnies privées ayant un but lucratif, le plus souvent cherchent à capter et stocker ces cellules prélevées au moment de la naissance, sans autre souci que de faire un profit auprès de parents recevant une information biaisée. Si la loi doit déboucher sur la légalisation de telles pratiques, alors en tant que médecins et professionnels de la greffe de moelle et de la thérapie cellulaire regroupés au sein de la SFGM-TC (Société Française de Greffe de Moelle et de Thérapie Cellulaire), nous devons vigoureusement et solennellement nous y opposer et dire non.

Aucuns des arguments avancés pour justifier cela, qu’ils soient politiques, économiques, sociaux ou scientifiques ne sont recevables.

Les autres pays d’Europe l’autorisent ?

Pas tous et la Belgique, pays vers lequel partent dans des conditions discutables un certain nombre de prélèvements pour être stockés par des compagnies dont l’éthique et les arguments scientifiques font question, vient de promulguer l’interdiction de ces banques privées à visée de conservation autologue de sang placentaire. C’est peut être une des raisons de l’offensive actuelle de ces compagnies privées dans notre pays ! Perdant leur légalité en Belgique, il faut bien qu’elles poursuivent leur entreprise dans d’autres pays comme le nôtre afin de continuer leur développement financier.

Du strict point de vue médical et scientifique, l’utilisation autologue, c’est-à-dire pour le donneur lui-même, est pour l’heure totalement inutile et rien ne laisse penser que cela pourrait changer dans un futur même lointain. Pour traiter une leucémie, cela n’est d’aucune utilité les cellules conservées étant susceptibles de présenter la maladie que l’on veut traiter que l’on réinoculerait alors au patient en pensant le guérir ! De plus, qu’elles contiennent ou non la maladie, elles ne contiennent pas non plus les éléments immunitaires capables de vaincre la maladie. C’est quand les cellules greffées viennent d’un donneur différent que cela peut se produire.

On fait miroiter aux parents qu’il serait possible à partir des cellules du sang placentaire de générer des tissus pour remplacer ou réparer tel ou tel organe et que cela sera plus facile à partir des cellules du sang placentaire autologue. Ceci ne repose pas sur des bases scientifiques solides, les cellules d’intérêt pour la médecine régénérative n’étant que peu ou pas présentes dans le sang placentaire. De plus, il est désormais possible d’obtenir des tissus différents à partir de cellules adultes sans avoir besoin d’aller chercher les cellules du sang placentaire. La moelle osseuse qui nous accompagne toute notre vie est une des sources potentielles. Plusieurs protocoles ont été développés par des équipes INSERM, comme par exemple récemment, le magnifique succès obtenu par une équipe Française de l’Hôpital Saint-Vincent de Paul pour corriger une maladie cérébrale grâce à une manipulation des cellules de la moelle osseuse du patient.

Nul besoin des cellules du sang placentaire ! Et si la moelle osseuse n’y suffit pas, d’autres cellules, par exemple celles de la peau chez l’adulte ou chez l’enfant peuvent aussi être désormais modifiées de telle sorte qu’elles se transforment et réparent.

La conservation de sang placentaire autologue permettra-t-elle d’augmenter la mise à disposition de ces cellules pour une utilisation allogénique (c’est-à-dire pour un malade qui n’est pas le donneur) ?

Non une fois de plus ! L’expérience d’autre pays, déjà piégés par ces compagnies spéculatives a largement démontré le contraire. Les raisons sont nombreuses : Les sangs placentaires prélevés sont tous stockés mais seul un tiers de ces prélèvements est en fait susceptible de pouvoir être utilisé, essentiellement parce que les deux tiers restant présentent une richesse en cellules utiles insuffisante (ceci n’empêche pas de faire payer aux parents la conservation de ce produit sans utilité future, on est là également aux limites de l’éthique).

Les modalités de prélèvement, de congélation, de sécurisation ne sont ensuite pas au niveau de ce qui est requis par les autorités de contrôle internationales et par conséquent, il est potentiellement dangereux de les utiliser et les réglementations pourront amener à leur non utilisation ultérieure. D’ailleurs, pour la plupart ces unités de sang placentaire réputées conservées pour un usage « mixte » autologue ou allogénique ne figurent même pas dans les registres internationaux qui recensent les greffons mis à la disposition de la communauté médicale internationale pour tous les patients qui en ont besoin. En revanche il est indispensable de promouvoir le don de ces cellules à visée altruiste, pour permettre la réalisation des greffes allogéniques dont le nombre et l’efficacité augmentent et qui ont largement démontré qu’elles permettaient de sauver des vies depuis des années.
Oui, il faut donner des moyens pour cela. N’allouons pas de moyens pour permettre à des compagnies au substratum scientifique contestable, essentiellement animés d’un souci de profit facile et rapide, au marketing habile pour des non informés, et, faisant un lobbying intense pour détourner à leur profit les soutiens publics, de développer dans notre pays une activité dont les professionnels responsables ne veulent pas.

Demandons clairement aux parents de refuser ces offres pour le moins fallacieuses qui soulèvent des espoirs quasi-inexistants. Les progrès qui permettent de soigner leurs enfants se sont faits et continuent de se faire sans ces compagnies. Que les mères et les parents acceptent de donner les cellules du sang placentaire de leur enfant pour en sauver un autre, pas pour permettre le développement de compagnies qui spéculent sur l’espoir. Que les responsables politiques et les élus revoient de façon complète ce champ de la médecine et sachent entendre tous les professionnels afin que notre pays continue d’offrir à l’ensemble de ses citoyens de vraies possibilités thérapeutiques dans ces domaines en plein développement.

Signataires : La Société Française de Greffe de Moelle et de Thérapie Cellulaire.
La Société Française d’Hématologie

Contacts:
Docteur Catherine Faucher : 06 81 57 81 25 – faucherc@marseille.fnclcc.fr
Membre du CA de la SFGM-TC médecin greffeur à l’Institut Paoli Calmette à Marseille – Professeur Noel Milpied : noel.milpied@chu-bordeaux.fr
Président de la SFGM-TC, Chef du Service d’hématologie et de greffe de Moelle osseuse, Bordeaux.
Professeur jean-Paul Vernant : Jean-paul.vernant@psl.aphp.fr
Membre de la SFGM-TC Chef du Service d’hématologie clinique à la Pitié Salpêtrière, Paris
Professeur Gérard Socié : gerard.socie@sls.aphp.fr
Président de la Société Française d’Hématologie, hôpital Saint-Louis, Paris.

Publié le 21 décembre 2009 par Anne Vaneson-Bigorgne

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